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Á PROPOS D’UN BESOIN PRESSANT SUR LA VOIE PUBLIQUE

1. LES « EMPÊCHE-PIPI » Á MONS

D’aucuns parlent de « Pissepala », de « casse-pipi », d' « éclabousseur de chaussettes » ou encore de « casse-brayette ».

Il faut bien les évoquer puisque ces petites constructions de forme généralement conique arrondie existent aussi à Mons, mais bien souvent échappent à l’observation du promeneur. La preuve, pourriez-vous en situer ?

Remontant probablement au XVIIIe siècle Jusqu'à la première moitié du XXe, ces constructions souvent rapportées dans les recoins discrets d’un édifice, étaient destinées à décourager les impénitents qui se soulageaient sur les trottoirs, en renvoyant vers leurs chaussures et pantalon le contenu de leur projection.[1]

On en trouve encore beaucoup dans nos vieux murs. Pour autant que je sache, il y en avait deux dans la ruelle de l’Atre, endroit « pro pisse » » si l’en est (l’un des deux s’est écroulé ne laissant qu’une trace sur le mur de l’église).

Il y en a encore une paire, superbement pansus, à la rue de la Biche, de part et d’autre de l’entrée de la section artistique des Instituts Saint-Luc.

Deux autres, à degrés cette fois, c’est à dire spécialement conçus pour favoriser les éclaboussures vengeresses quelles que soient la taille du coupable, se situent de part et d’autre du porche de l’ancien refuge de l’abbaye de Saint-Denis, à la rue de Houdain (pour être précis, quatorze degrés à gauche, quinze à droite).

J’en ai trouvé un du même type mais apparemment plus récent, à la rue Jean Lescarts. D’après les traces encore visibles, quelqu’un était, malgré tout, venu défier les lois de la physique la plus élémentaire.

Mais il y en a d'autres : un gros dans un recoin de la pourtant très noble place du Chapitre (quelle audace!) ; un tout petit (peut-être à l'intention des écoliers), dans un coin de l'école des Frères, rue des Clercs ; un plutôt bossu à la rue Courte, un autre, imposant, irrégulier (évidemment) à la Cronque Rue, gardé par une poubelle ; un beau, surmonté d'une sorte de pyramidion en pierre bleue, rue des Gaillers ; un « d'aspect moderne », à arêtes vives en escalier rue de la Grande Triperie ; enfin un discret dans la cour du couvent des Capucins, rue Masquelier.

Il y en a encore un, rue d'Havré, entre le n° 34 et le N°36

Mais il y en a certainement d'autres dans notre bonne ville, il suffit de les dénicher. Je vous laisse au plaisir de la découverte...



2. LES « VESPASIENNES » Á MONS

Puisqu’on a abordé récemment le sujet des « empêche-pipi », ces petites constructions destinées à décourager les impénitents qui se soulageaient sur les trottoirs, analysons à présent l’antidote à ce genre d'incivilité. Conscients de la vanité de ces tentatives passives de contrarier ce fléau particulièrement perceptible olfactivement par les riverains, à la charnière des XIXe et XXe siècles, les autorités communales prirent des mesures et firent installer au travers de toute la ville de nombreuses vespasiennes.

Il était bien fini le temps des hommes qui avaient uriné de père en fils contre les bas des murs et les renfoncements au hasard du besoin, avec la belle générosité de vessie que donne la bonne bière bien mousseuse, Désormais, il fallait s’épancher en lieux fixes.

Généralement, celles-ci ne possédaient que deux places. Deux places, c’était peu, lorsque trois ou quatre vessies se trouvaient avoir fait leur plein au même instant, ce qui arrivait fréquemment dans une agglomération aussi importante que la nôtre qui comptait plusieurs dizaines de milliers de vessies, dont moitié à peu près de vessies mâles, les seules autorisées à s’épancher sur la voie publique dans ces édicules attitrés. Dans ces cas de presse on en revenait aux vieux usages expéditifs, toujours bons. On se soulageait contre le mur de l’édifice au pied duquel les pouvoirs publics avaient fait installer ces dispositifs pour recevoir les trop pleins urgents, tout tranquillement, sans y voir malice ni incommodité, ni motif à se retenir le moins du monde. Et même certains, d’un naturel indépendant, se tenaient plus volontiers dehors que dedans. Sans parler des jeunes de quatorze à seize ans, encore pourvus de la stupidité qui caractérise cet âge inquiet, qui trouvaient là l’occasion de quelques excentricités. Entre eux ils disputaient des records d’altitude et de portée. Appliquant à la nature des procédés de physique élémentaire, ils en réduisaient le débit, en augmentaient la pression et obtenaient ainsi des effets de jet d’eau très réjouissants qui les obligeaient à prendre du recul. Ces sots amusements sont en somme de tous les pays, à tous les temps, et les hommes rassis qui les blâmaient faisaient preuve de courte mémoire.

Ainsi allaient bonnement les choses, à cette époque. En toute discrétion, chacun y allait, s’y conduisant avec les ressources de son tempérament et de son âge : les jeunes impatiemment, sans soin ni prendre garde ; les hommes faits, avec sage mesure dans le maintien et le débit ; les vieillards avec soupirante lenteur et grands efforts tremblants qui ne produisaient que chétives ondées, arrivant par averses espacées. Mais tous, jouvenceaux, hommes et vieux avaient le même geste préparatoire, précis qui allait droit au but dès avant l’entrée de la vespasienne, et le même geste consécutif, qui s’achevait dans la rue, profond et prolongé, accompagné de flexions sur les jarrets, par lequel on procédait à une bonne redistribution intime afin de retrouver un judicieux équilibre et une parfaite commodité.[2]


Comme on l'a dit précédemment, les autorités communales, dans le dernier quart du XIXe siècle, prirent des mesures d'hygiène pragmatiques, et firent installer au travers de toute la ville de nombreuses vespasiennes, c'est à dire des urinoirs publics exclusivement réservés aux hommes, seul antidote pour lutter contre les impénitents qui se soulageaient sur les trottoirs.

La plus spectaculaire était installée sur la Grand-Place au débouché de la rue d’Havré. Édicule en fonte de forme carrée surmonté d'un lanternon d'aération, peut-être muni d'un bec de gaz pour l'éclairage il formait une véritable œuvre artistique tellement il était orné de moulures, de guirlandes, palmettes et autres éléments décoratifs. Il se composait de deux « guérites » monoplaces disposées en vis-à-vis (!), munies chacune d'une demi-porte bombée enveloppante. Á l'intérieur, se dressait une pierre lisse rafraîchie par un coulant d'eau contre laquelle on pouvait s 'épancher en toute discrétion. La photo ci-jointe montre les ouvriers de François Degrève, patron-peintre, la remettant en peinture, en 1928, à l’occasion de la visite du prince Léopold, futur roi des Belges.

Il y avait plusieurs vespasiennes réparties sur le territoire mais beaucoup plus simples. Elles s'appuyaient toutes sur des bâtiments communaux et étaient généralement composées d'une pierre arrosée en permanence, qu’entouraient des panneaux de tôles portés par des pieds en fonte. Elles pouvaient accueillir deux personnes.

On en trouvait une rue du Mont de Piété (actuelle rue du Onze Novembre) accolée au mur de l’institution du Mont de Piété (l'actuel musée du Dudou) ; une en haut de la rue de la Halle sur la façade de la Grande Boucherie (curieux voisinage !), l’actuel parking ; une autre au bas de la rue à Degrés sur le pignon de la maison gothique qui en fait le coin, occupé alors par un magasin d’alimentation Delhaize (à l’époque, l’entrée se faisait encore par la travée du milieu) ; une dans un recoin de la collégiale Sainte-Waudru, côté rampe ; il y en avait également une sur le mur du jardin des Ursulines, place Léopold ; une autre installée au pied du clocher de l' Église Saint-Nicolas, masquée, à l'époque, par de de haut panneaux en tôles ; une en pierre et tôles, sur l'estaminet formant le coin de la rue des Arquebusiers et de Bertaimont ; une autre, de forme circulaire, celle-là, avec un réverbère par-dessus, plantée au beau milieu de la place d’Havré (actuelle Simonet). A son sujet, Edmond Veuchet[3] nous rapporte que « c' picherine-là, in labyrinthe, servoit d' reposoir à tous les soiffards du canton qui v'niont s' y r'cueillir après in avoi' desquindu deux tois dins les cabarets du quartier ». Enfin une sur le mur de l’école de la place du Béguinage (quand celle de la place d'Havré fut démolie pour être remplacée par le monument Simonet en 1927).


Le règlement de police de la Ville de Mons pour 1907 indique dans son article 22 qu’il est interdit d’uriner sur la voie publique, et, dans son article 23, malgré la mise à disposition de ces édicules utilitaires, qu’il est enjoint aux hôteliers, aubergistes, cafetiers ou cabaretiers, d’avoir, à l’intérieur de leur établissement, et d’entretenir constamment en état de propreté, des pissoirs (sic), soit fixes, soit mobiles (?) à l’usage des personnes qu’ils reçoivent.

Les rares « installations » survivantes de ces tentatives de solution au problème n'ont pas résisté au temps. Qui se souvient des toilettes publiques de la rue Neuve ou de l'urinoir à plusieurs places installé au pied de la tour de l'église Saint-Nicolas ou encore celle discrètement posée dans une encoignure de la collégiale Sainte Waudru ? Toutes, aujourd'hui, ont disparu ?

Il nous est resté jusqu'à il n'y a guère, des toilettes publiques dans la cour de l’hôtel de ville (qui étaient plutôt destinées aux manifestations bibitives organisées à la salle Saint-Georges, et pas nécessairement au grand public faute d'indications) qui, pour l'heure, a fermé ses portes ; Il y en eut une autre, longtemps fort nauséabonde, au bas de la rue de la Voussure mais qui elle aussi a disparu lors des travaux de rénovation du square Saint-Germain. Politique de la terre brûlée ? Reconnaissons, cependant, que pour parer aux plus pressantes envies, il a été mis à disposition assez récemment un urinoir fixe, place du Marché aux Herbes, endroit festif s'il en est, où le débit des déjections a impérieusement nécessité cette implantation malgré son côté inesthétique.

Pour être de bon compte, reconnaissons en outre que la Régence met à disposition de façon permanente des lieux d'aisance, fort bien conçus mais situés au fond du Jardin du Mayeur. A part cela, pour les urgences, les touristes peuvent tirer un trait.


Photos :

L'urinoir au pied du clocher de st-Nicolas-en-Havré. Photo anonyme. FAPMC.

La vespasienne en labyrinthe de la place d’Havré (actuelle Simonet). Photo de Léon Losseau. 1901. © Maison Losseau.

La pissotière de la rue à Degrés. Photo anonyme. FAPMC.

La « pich’rine » de la rue de la Halle. Carte postale oblitérée en 1908. Ed. Valbonnet. Coll. de l’auteur.

La vespasienne de la place Léopold. Carte postale non datée. Coll. de l'auteur.

L'urinoir de la cour Barabas de l'Hôtel de Ville.. Carte postale des années 1930. Carte postale. Coll. de l'auteur.

L’urinoir de la Grand-Place. Carte postale Nels oblitérée en 1908. Coll. de l’auteur.


[1]Jacky Legge. Les empêche-pipi. Ed. Mémograme. 2008. [2] Gabriel Chevallier. Clochemerle. 1943. [3] L’œuvre folklorique et patoisante d’Edmond Veuchet. AIMS. 1953

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