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LA TROUILLE HORS LES MURS

LA TROUILLE HORS LES MURS


Sur son long parcours (environ 2.300 mètres) au travers de la ville basse, la Trouille remplit au cours des siècles de multiples fonctions : elle assurait l’alimentation en eau domestique des ménages montois habitant la ville basse, mais aussi les besoins des petites industries locales : moulins, étuves, brasseries, blanchisseries, teintureries et … viviers à poissons. Sans oublier, en aval de la ville, le transport de marchandises qui remontait jusqu’au quartier dit du rivage, dont une rue rappelle aujourd’hui l’existence passée. Mais avec le temps, de nombreux particuliers y raccordaient - avec l’autorisation des pouvoirs communaux, mais à leurs frais - leurs égouts, parfois sur d’assez longues distances. C’est dire que pendant les périodes de faibles précipitations, les abords du cours d’eau dégageaient de fortes odeurs nauséabondes dont les montois se plaignaient de plus en plus.

A l’opposé, un des inconvénients majeur du passage de la rivière dans la ville résidait dans la répétition d’inondations dont le bas de la ville avait régulièrement à souffrir. Elles étaient dues surtout au manque d’entretien du cours d’eau, par manque de coordination ou désintérêt de la part des riverains, et ce malgré les réglementations successives établies à ce propos par les pouvoirs publics.

Dans le même temps, l’alimentation de la ville en eau potable, qui se faisait par le biais d’une soixantaine de puits ou de fontaine, devenait de plus en plus difficile à assurer. En 1849, 1859 et 1866 des épidémies de choléra survinrent au sein de la population montoise, probablement dues à la qualité médiocre de l’eau.

La situation à partir des années 1850 étant devenue intenable, et cela en raison du volume d’eau de plus en plus important soutiré en amont de la cité par le biais du Trouillon que l’on destinait à l’alimentation du canal de Mons à Condé, ouvert en 1818. Si, dans un premier temps, la Ville avait proposé de rendre à la rivière toutes ses eaux en supprimant le captage en amont de façon à maintenir à l’intérieur de la ville les industries qui bordaient la Trouille, et assurer l’assainissement des quartiers populeux qu’elle traversait en leur apportant de nouveau une eau saine et suffisante. (Cette solution offrait aussi à la Ville l’avantage d’éviter la construction coûteuse d’un réseau d’égouts et la mise en place d’une distribution d’eau, plus onéreuse encore), la position de l’Etat était toute différente, et celui-ci imposa à la Ville le détournement de la rivière dans les fossés extérieurs, et la construction dans le lit intérieur d’un égout collecteur ainsi qu’un aqueduc d’alimentation d’eau.


On profita de la démolition en 1865 des fortifications (dont les fossés servaient aussi à récolter les eaux usées), pour lancer le projet de détournement de la rivière en dehors des murs, suivi de l’installation du collecteur dans son ancien lit et sa liaison, petit à petit, aux différentes voiries environnantes, afin d’en récolter les eaux pluviales et ménagères. (Il remplit toujours son office de nos jours).

Le 31 mars 1872, la Trouille pouvait s’écouler dans son nouveau lit, et, en avril 1873 les travaux d’aménagement se terminaient sans avoir causé de bouleversements importants dans le tissu urbain.

Parallèlement, le projet de l’ingénieur Drion visant à doter la cité d’un réseau de distribution d’eau est accepté par le Conseil Communal. Celui-ci prévoyait de capter l’eau de différentes sources situées à Spiennes, de l’amener par gravité jusqu’au boulevard où un appareillage la refoulerait vers un château d’eau à installer au sommet de la colline, d’où partiraient les canalisations de distribution. La mise en service en avril 1872 de ce réseau de distribution d’eau fit de Mons une des premières villes de Belgique à en être équipée.

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Traversant les prairies qui constituèrent jusque dans les années soixante son écrin avant d’atteindre les boulevards, elle coulait sous cette passerelle métallique puis longeait la cité du Bureau de Bienfaisance (construite en 1885 dans une partie des prés du Joncquois sur les plans d e l’architecte H. Genard qui remporta pour celle-ci la médaille d’or à l’exposition de Paris de 1889), avant d’atteindre la « machine à eau ».


La cheminée que l’on voit à gauche, juste après la cité, est celle de la brasserie Georges Vanderwalle, successeur de léon Gourlet, qui ferma ses portes en 1914.


A proximité des nouveaux boulevards, les eaux de la Trouille passaient sous un pont dit le pont rouge, visible au fond de l’image, qui depuis 1870 permettait le passage en direction de l’avenue d’Hyon.

A cette même époque (1873) on créa à l’entrée de la ville, derrière la machine à eau un bassin de natation à ciel ouvert et un abreuvoir pour chevaux. Lorsque ce dernier eut disparu, on a continué d’appeler ce bassin : bassin du Pont Rouge ou de l’Abreuvoir.


A partir de là, la rivière formait un coude vers la gauche et venait affronter le barrage déversoir destiné à réguler son cours et en dévier une partie, d’abord vers son ancien parcours désormais vouté, devenu égout, afin d’y assurer un débit sanitaire, et une autre vers la roue à aube qui actionnait la machinerie destinée à refouler les eaux de sources, arrivant par gravité depuis Spiennes, vers les réservoirs creusés sous le square du beffroi, 43 m plus haut.


Cette machinerie était constituée d’une roue à aubes de 4m80 de diamètre qui entraînait une série de roues à engrenages actionnant un jeu de bielles qui étaient reliées aux pistons de deux pompes hydrauliques. Entraînée par le dessous, elle « spittait » abondamment derrière un vitrage de protection, au grand plaisir des montois qui venaient assister à ce spectacle. Elle pouvait élever jusqu’à 2.000 mètres cube par jour. Lorsque le débit de la rivière le permettait, aussi était-elle doublée d’une machine à vapeur de 45 chevaux, de 12m de longueur totale, comprenant un volant d’inertie de 5m80 de diamètre qui entrainait un piston de 39cm de diamètre et de 1 mètre de course, capable d’élever plus de 4.000 m³ par jour. Lorsque la demande était forte les deux installations travaillaient ensemble.


Quelques années plus tard, en 1898, pour répondre à la demande toujours grandissante, une seconde pompe hydraulique, avec sa propre machine à vapeur, fut installée à côté de la première pour traiter les eaux d’une seconde source, elle aussi située à Spiennes. Ce qui explique qu’il y a deux cheminées visibles sur le document ci-dessous (la deuxième est visible tout-à fait à droite, derrière l’arbre).

En 1928, la première pompe à vapeur (et sa cheminée) fut démantelée pour être remplacée par quatre groupes moto-pompes centrifuges électriques qui refoulaient 10.800 m³ par jour d’eau jusqu’au réservoir du beffroi par une conduite de 500 mm de diamètre, puis au fur et à mesure du développement de la demande - et des fuites dans le réseau de distribution, des groupes de pompes de plus en plus puissants furent utilisés. La roue à aubes fut désaffectée en 1961, en même temps que disparaissait la dernière cheminée. L’installation fut définitivement arrêtée et démantelée en 1974, lors de la construction au sommet de la colline du Bois de Mons d’un nouveau réservoir de 6000 m³ alimenté par de nouvelles installations de pompage situées à l’avenue Gouverneur Cornez.


Mais fort heureusement, le très joli bâtiment qui abritait les machines nous est resté. Il est dû à l’architecte montois Joseph Hubert qui donna là une des premières constructions à charpente métallique de la ville, le plus remarquable étant les deux pignons à parois de verre qui éclairaient le grand hall central.

Le site, classé en 1977, fut acquis en 1984 par la Banque Nationale qui, désireuse de profiter d’un emplacement exceptionnel, trouvait là, en contre partie, l’occasion de faire œuvre de mécénat et contribuer à part quasi égale avec la région Wallonne à la sauvegarde d’un élément significatif du patrimoine architectural wallon. Elle construisit à l’arrière, à l’emplacement de l’ancien bassin de natation, son siège provincial, dans un style rappelant celui de la construction du XIXe siècle, dont l’’ensemble des bâtiments fut complètement rénové en 1992 – 1994. Acquis en 1996 par la ville, il fut destiné à abriter des expositions temporaires et des animations culturelles organisées par celle-ci. A l’approche du centenaire de la bataille de Mons, décision a été prise de lui adjoindre des ailes complémentaires pour en faire le nouveau musée de la guerre.


Mais que devenaient les eaux de la Trouille ? Après avoir franchi le barrage et ses quatre vantelles permettant de réguler leur débit, elles dévalaient en une cascade bruyante les cinq gradins qui avaient été installés pour en casser la force. Avec une telle oxygénation, les poissons étaient nombreux à cet endroit, et, depuis la passerelle, les membres du personnel ne se privaient pas de tenter leur chance.


De là, elles étaient dirigées vers l’avenue d’Hyon puis vers l’avenue de France et, enfin, l’avenue de Cuesmes d’où elle va rejoindre le nouveau cours de la Haine. Remarquons que son parcours le long des faubourgs formait de nombreux zig-zag, les rues qui la bordaient en témoignent encore, tout simplement parce qu’à l’époque, on avait été obligé de suivre le contour des anciennes fortifications dont les fondations étaient, et sont toujours, présentes dans le sous-sol.


PHOTOS :

Les prairies du Joncquois. Carte postale oblitérée en 1904. Edition Wilhelm Hoffman. Collection de l’auteur.

Passerelle pour piétons enjambant la Trouille et donnant sur l'avenue St-Pierre. Carte postale. Ed. Hoffman. Collection de l'auteur

La Trouille à son arrivée à Mons. Carte postale non datée. Edition Nels. Collection de l’auteur.

L’abreuvoir, situé à proximité de la machine à eau. Carte postale datée de 1901. Edition DVD. Collection de l’auteur.

Le barrage déversoir derrière la Machine à eau. Carte postale oblitérée en 1908. Edition Licgterteins. Collection de l’auteur

L’intérieur de la Machine à eau. Carte postale oblitérée en 1909. Edition Th. Vandeneuvel. Collection de l’auteur.

La façade de la Machine à eau. Carte postale oblitérée en 1903. Edition Vanderauwera. Collection de l’auteur.

La cascade de la Machine à eau. Carte postale oblitérée en 1908. Edition A. Duwez-Delcourt. Collection de l’auteur.

La digue de Cuesmes où les premières maisons ne furent construites qu’en 1913. En 1914, il y en avait 9, mais la guerre fit reporter toute nouvelle construction. Photo anonyme FAPMC.





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