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LA REVOLUTION DE 1830 ET LES MONTOIS

Nous venons de fêter la fête nationale belge ce 21 juillet (c'est le 21 juillet 1831 que le premier roi des Belges, Léopold Ier, a prêté le serment constitutionnel) célébrant l’indépendance de la Belgique acquise grâce à la Révolution Belge de 1830.

Il faut bien le dire, cette Révolution de 1830 eut surtout pour cadre Bruxelles et le Brabant où les principaux événements se déroulèrent.

Mais à Mons aussi, il y eut quelques escarmouches. Tenant plus du vaudeville que d’autre chose, mais néanmoins ne diminuant en rien le courage de nos braves concitoyens. En voici le récit :

Le temps aidant, l’union imposée avec la Hollande par le traité de Vienne du 9 juin 1815, qui avait redéfini les contours de l'Europe après la chute de Napoléon Ier et la défaite des armées françaises, s’avéra vite caduque. D’abord, le nouveau souverain, Guillaume 1er réussit à se rendre impopulaire en Belgique en raison de ses tendances despotiques. Ensuite, les Hollandais mécontentèrent la population en s’appropriant les plus hautes fonctions du pays et en garnissant les villes belges de garnisons venant de chez eux. Ils imposèrent même dans le Nord du pays leur langue dans toute l’administration, ce qui ne s’était jamais vu chez nous. Enfin, ils créèrent de nouveaux impôts, ce qui déplut évidemment beaucoup.

Tout cela a fait qu’en différentes circonstances, des heurts se produisirent tout le temps de leur présence chez nous, mais ce n’est que quinze ans après leur arrivée qu’éclata le soulèvement décisif, tout simplement suite à une mauvaise passe économique. Ce sont, en effet, les prolétaires des villes, poussés par la faim et le chômage, qui ont entamé le mouvement contestataire, il ne devint révolutionnaire que lorsque la bourgeoisie récupéra à son profit cette protestation sociale.

Comme partout ailleurs, les Montois, étaient passablement agités depuis quelques temps par les nouvelles de la révolution parisienne qui avait éclaté durant le mois de juillet. Tout a commencé par une belle fin d’après-midi du mois d’août, la diligence avait apporté quelques nouvelles en provenance de Bruxelles où le bruit s’était répandu que des échauffourées s’étaient produites dans le centre de la ville. On était donc avide de prendre connaissance des derniers événements survenus là-bas. On disait que des maisons avaient été incendiées, dont celle du ministre Maanen, au Petit Sablon, et que les grenadiers avaient dû intervenir. On disait aussi que les choses étaient allées si loin que cela ne pouvait que mal finir.

Aussitôt, les esprits des Montois s’échauffèrent. De nombreux groupes d’ouvriers envahirent les cafés de la Grand-Place pour en discuter, tandis que certains autres, restés devant l’hôtel de ville, se mirent à crier « Vive la Liberté ! » « Vive la cocarde tricolore ! » « A bas Van Maanen ! »

Alors, la Régence, avisée de l’effervescence qui gagnait les esprits, décida de siéger afin de prendre les mesures de police qui s’imposaient car de plus en plus de gens arrivaient et on voyait les groupes grossir au fur et à mesure. Aux fenêtres, de nombreux curieux se pressaient pour voir ce qui allait se passer. On sentait que l‘atmosphère devenait tendue, lourde d’une colère qui n’attendait que de s’exprimer.

Á un point tel que le gouverneur militaire, le baron de Macar, qui était accompagné du bourgmestre et de quelques honorables membres de la Régence ainsi que du général Vincent Duvivier, avait dû prendre la parole pour calmer les ardeurs belliqueuses de nos concitoyens. Heureusement, après cette intervention, les gens finirent par rentrer petit à petit chez eux et tout redevint calme.

Mais il était temps de réagir. Le lendemain, tous les hommes en âge de servir, pour ceux qui le voulaient, furent invités à se présenter à l’hôtel de ville afin de s’incorporer dans la garde urbaine qui allait voir le jour. Huit compagnies purent être ainsi formées, dont une à cheval, qui vinrent renforcer la garde communale et contribuer à assurer la tranquillité de la cité. Les discours patriotiques prononcés à cette occasion devant les troupes nouvellement ainsi formées nous sont parvenus : « Braves et généreux concitoyens, grâce à votre patriotisme, grâce à l’heureux accord qui règne entre l’autorité et vous, la paix publique, cette garantie nécessaire de toute société, ne sera pas troublée. Nous le jurons par l’esprit civique qui nous anime et par le zèle du bien qui dirige, et nos pensées et nos actions. »


Mais après cette première accalmie, les événements se précipitèrent. En effet, le cocher de la diligence de midi, qui ne manquait jamais d’auditeurs à chacune de ses arrivées, n’était pas étranger à l’effervescence qui gagnait la ville. On le soupçonnait même, lorsqu’il était sans nouveaux renseignements, d’en inventer parfois, attisant ainsi, pour se rendre intéressant, les commentaires des citoyens et la rumeur. Par exemple, dans la soirée du 3 septembre, tous les Montois s’étaient retrouvés convaincus, on ne sait comment, du départ prochain d’une partie de l’artillerie de la garnison montoise vers Bruxelles afin de mater les révolutionnaires qui s’agitaient dans la capitale. Alors, le ton est rapidement monté, et une foule, entraînée par quelques excités se dirigea vers la porte de Nimy pour s’en emparer afin d’empêcher ce départ. Comme les soldats hollandais ne s’attendaient pas à un tel assaut subit, elle tomba rapidement aux mains des citadins. Puis ce fut le tour des autres portes.

Le lendemain, le gouverneur, les officiers de la garnison et les autorités, toujours respectueuses de la loi, vinrent sommer les bourgeois de remettre la garde des portes à la garnison. Ce qui, heureusement, fut fait sans trop de résistance ni autres incidents. Mais cette agitation provoqua quand-même la démission du commandant de la garde urbaine qui fut aussitôt suivie d’une réélection de tous les officiers, y compris le colonel.

Désormais, pour empêcher toute nouvelle manifestation qui aurait pu se dérouler à la faveur de l’obscurité, tous les bourgeois furent invités à placer, jusqu’à nouvelle disposition, sur la façade de leur maison, une ou plusieurs lumières, à compter de sept heures du soir.

Mais les choses s’apaisèrent.

Quelques jours après, un soir, la nouvelle se répandit que le pays était séparé de la Hollande. Ce fut alors du délire, le carillon sonna à toute volée, des coups de fusil éclatèrent, des vivats fusèrent de partout. Les officiers de la garde urbaine et ceux de la garde communale fraternisèrent avec ceux de la garnison.

Dès le lendemain, le port de la cocarde tricolore fut autorisé par la Régence tandis que le drapeau aux trois couleurs du Hainaut était arboré au balcon de l’hôtel de ville.

Malheureusement, à Bruxelles, le prince d’Orange venait d’arriver pour prendre la tête des troupes hollandaises et les nouvelles devinrent rapidement alarmantes. Un affrontement était inévitable.


A Mons, la résistance s’organisa. Un certain Lemerel proposa de former une compagnie franche pour aller combattre dans la capitale. Il recueillit aussitôt quelque chose comme quatre-vingts adhésions. Ils partirent aussitôt.

Quelques jours après, au cours d’une grande parade des gardes sur la Grand-Place, le bourgmestre, entouré de toute la Régence, remit aux compagnies à pied un beau drapeau tricolore aux couleurs noir, jaune, rouge et un guidon pour la compagnie à cheval. Dans son discours, il expliqua que ces couleurs, que la ville avait choisies, étaient celles de plusieurs provinces belges dont le Hainaut. Ensuite, il invita les Montois à attendre dans le calme, l’ordre et la paix publique que « se dénouent les grandes questions qui étaient du ressort de la représentation nationale qui allait se réunir pour assurer l’indépendance et le bonheur du nouveau pays ». Après cela, la garde se mit à défiler au son des tambours, du mieux qu’elle put, car faute d’exercices, les alignements étaient loin de ce qu’ils auraient dû être. Mais, c’était l’esprit qui comptait.

Les jours suivants se passèrent dans un calme relatif. Jusqu’au moment où on apprit que les armoiries du bureau des douanes avaient été brisées par quelques énergumènes et qu’à la suite de cela, des troupes marchaient sur Mons. A cause de cette rumeur, les bourgeois voulurent s’emparer à nouveau des portes de la ville pour les empêcher d’entrer, mais, heureusement, il s’est vite avéré qu’il ne s’agissait que d’un faux bruit. N’empêche, sur la Grand-Place, des attroupements de gens mécontents s’en sont pris aux gardes urbains, d’abord en leur adressant des quolibets, mais, par la suite, des pierres furent lancées dans leur direction. Alors, la situation s’est envenimée. Les gardes ripostèrent par des sommations, croisèrent la baïonnette, puis chargèrent les manifestants, les acculant contre les façades de l’hôtel de l’Aigle d’or et des cafés voisins. Cela a nettement refroidi les manifestants et le calme est revenu.

Mais, chaque jour, on sentait la tension monter.


Le 19 septembre 1830, ce fut une véritable révolution à Mons. Ayant appris la présence du général hollandais Howen à l’Hôtel Royal, le peuple montois, à nouveau échauffé par quelques hardis meneurs, s’y rendit en vociférant pour manifester sa rancœur contre ceux qu’ils considéraient désormais comme des occupants. Mais le général n’y était pas, car il s’était réfugié à l’arsenal où campait la garnison. Alors la foule, massée sur la Grand place, se dirigea vers le beffroi dont les portes furent enfoncées. Quelques énergumènes gravirent les escaliers et bientôt, le tocsin se fit entendre dans toute la ville. Pendant ce temps, d’autres révolutionnaires pénétraient dans la cour de l’hôtel de ville pour réclamer de la poudre et des balles aux gardes urbains de faction. Une fois là, ils forcèrent les portes de la Salle Verte et s’emparèrent des tambours de la garde communale et, de plus en plus excités, se mirent à parcourir les rues en battant la générale. Naturellement, la population accourut voir ce qui se passait et la foule grossit rapidement. A un moment, un millier d’hommes, dont quatre cents armés de fusils pris aux postes de garde, dévalèrent la rue de Nimy pour prendre d’assaut la porte, mais une compagnie d’infanterie et quelques canonniers occupaient le bastion situé du côté rue. Une bataille s’engagea, ils firent feu de leurs pièces d’artillerie tandis que la fusillade crépitait de part et d’autre. La mitraille fit reculer la foule et l’assaut fut repoussé, mais les Montois s’accrochèrent et, jusqu’à la nuit tombante, continuèrent de tirer contre le poste qui se défendait énergiquement.

Jusqu’au moment où les troupes du général Duvivier vinrent prendre à revers les assaillants. Alors, pris entre deux feux, les Montois rebelles déposèrent leurs armes et s’enfuirent en courant dans les rues. L’ordre fut promptement rétabli, dans l’intérêt de la Ville. L’effusion de sang n’eut pas lieu, mais on déplora néanmoins plusieurs morts et de nombreux blessés. Ainsi se termina l’affaire de la porte de Nimy.

Mais la réaction du général Howen, commandant de la place, fut sévère. Toutes les nuits, la garnison resta sous les armes. Des canons furent chargés de mitraille et tournés vers la ville, des pièces d’artillerie furent attelées, prêtes à intervenir. Les rassemblements furent interdits, le dépavage des rues et l’élévation de barricades, passibles du conseil de guerre, ainsi que les tirs francs contre les soldats de la garnison.


Heureusement, par suite de l’écrasement des troupes hollandaises du prince Frédéric au parc de Bruxelles, les choses évoluèrent favorablement pour nous.

Á ces nouvelles, le bataillon hollandais de garde à l’Hôtel de Ville de Mons se mutina, bientôt suivi par ceux occupant les casernes. Les soldats rassemblèrent armes, munitions et bagages puis quittèrent la ville sans permission aucune. Le général Howen fut fait prisonnier par la maréchaussée, ainsi que le colonel de l’artillerie, un dénommé de la Sarraz, et trois majors hollandais. Les autres officiers et soldats restés fidèles furent enfermés au fort de la porte d’Havré. C’est pour cela qu’il fut appelé le fort des Hollandais (un vestige subsiste encore sous le pavillon du Waux-Hall).

Duvivier alla lui-même remettre à la Régence les clefs de la forteresse, de l’arsenal et des magasins à poudre et, le lendemain, le lieutenant-colonel Buzen, nommé par le gouvernement provisoire commandant supérieur de la place de Mons, entra en fonction. Le calme était revenu à Mons.

Quelques jours plus tard, un corps de trois cents volontaires montois qui avait été constitué sous le commandement de M. Boulanger se mit en route, muni de huit canons et plusieurs caisses de poudre, pour aller soutenir les combattants belges encore en lutte dans le Brabant, dans l’enthousiasme général, la foule ayant tenu à accompagner les patriotes jusqu’à la porte de Nimy, les acclamant et agitant des mouchoirs.

Les combats furent âpres, mais en octobre, les brigades volontaires belges réussirent à évincer presque partout les troupes régulières du roi des Pays-Bas. À partir de novembre, on parvint à un cessez-le-feu. Les Montois purent rentrer chez eux. Le 3 novembre se tinrent des élections pour le constituer le Congrès national. Celui-ci siégea pour la première fois le 10 novembre et confirma huit jours plus tard la déclaration d’indépendance de la Belgique.


(extrait de « L’épée de l’Empereur » de Philippe Yannart. Ed. Mémogrames)


Photos :



Mons derrière ses fortifications au moment de la révolution de 1830. Dessin anonyme ;

La pace du Parc à l’époque. Lithographie d’Etienne Wauquière, 1820. BUMons.

Costumes et uniformes de l’époque. Coll. De l’auteur.

La porte de Nimy. Dessin d’Etienne Wauquière. BUMons.

Révolutionnaire belge de 1830. Photo « Le Patriote Illustré » Collection de l’auteur.

Révolutionnaires prêtant serment. Dessin anonyme. Carte postale. Coll. de l’auteur;.

La porte de Nimy vue de l’intérieur. Dessin de Léon Dolez. BUMons.

Episode de la Révolution de 1830 de Gustave Wapers. Carte postale. Coll. De l’auteur.

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