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SAINCTELETTE

BOULEVARD  SAINCTELETTE

Photos :

Le boulevard Sainctelette vers 1900. Carte postale. Coll. de l'auteur.

Portrait de Henri Sainctelette, Bourgmestre de Mons de 1888 à 1905. Carte postale. Coll. se l 'auteur.

Monument Henri Sainctelette dans la cour de l'Hôtel de Ville.Photo de l'auteur. 2020

Détail du monument Henri Sainctelette, par le sculpteur Louis-Henri Devillez . Photo de l'auteur.2020.

Le Musée d'hygiène. Photo anonyme vers 1911. FAPMC.

Salle d'exposition du Musée d'Hygiène. Extrait de Musée d'Hygiène, Nouveau Catalogue Illustré. Province de Hainaut. 1925

Détails de vitrines de l'exposition du Musée d'Hygiène. Extrait de Musée d'Hygiène, Nouveau Catalogue Illustré. Province de Hainaut. 1925.

BOULEVARD SAINCTELETTE

Né le 18 mars 1851, Henri Charles Marie Sainctelette est le fils de Charles Xavier Sainctelettte (1825-1898) avocat à la Cour de Cassation (la plus haute juridiction judiciaire belge), censeur à la Banque Nationale, député à la Chambre des Représentants, ministre des travaux publics dans le gouvernement Orban II, et de Caroline Agnès Joséphine Ernestine Corbisier, fille du sénateur de l’arrondissement de Mons, Frédéric Corbisier.

Il est d’abord diplômé d’un doctorat en droit à l'Université Libre de Bruxelles en 1874 et l’année suivante il obtient un doctorat en sciences politiques et administratives à l'Université de Liège.. Il commence sa carrière en tant qu'avocat à Mons et se spécialise dans les problèmes d’accident de travail et de transport. Membre du Parti Libéral Populaire (PLP), il commence sa carrière politique en tant que conseiller communal en 1880. Il devient échevin en 1881 et continuera d’exercer ses fonctions jusqu’en 1888. Enfin, il terminera par se faire élire bourgmestre de Mons de 1888 jusqu’à son décès en 1905, et en1894, il est élu sénateur de l'arrondissement de Mons à titre honorifique et occupera ce poste jusqu'à sa mort. Durant ses 15 années de mandat, il initia des travaux d’urbanisation dans sa ville. Il est notamment à l’origine de la construction d'un réseau d’égouttage, la rénovation de certains quartiers et le repavage d'une grande partie de la voirie. Ces travaux avaient été commencés par son prédécesseur François Dolez;

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Après son décès survenu le 3 juillet 1905, un monument présentant un haut-relief en bronze (coulé par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles) conçu en 1924 par le sculpteur Louis-Henri Devillez et réalisé par Camille Lefèvre, le représente dans la cour de l'Hôtel de Ville. Ce monument met en scène une dame assise et endeuillée devant le portrait d'Henri Sainctelette, suspendu par des anges (celle-ci représente sûrement la Ville de Mons au vus des armoiries que l'on aperçoit derrière elle).1

En 1893, son mandat de Bourgmestre de la ville de Mons va être marqué par le drame de ‘la fusillade de l’avenue de Jemappes’. Nous sommes à cette époque le 17 avril. L’économie mondiale est entrée, depuis la crise bancaire de 1873, dans une phase de ralentissement qui durera jusqu’en 1896. Le contexte économique et social est extrêmement difficile. Cette crise se ressentira en Belgique et particulièrement dans le Borinage où la condition ouvrière est précaire. Cette période est caractérisée par la hausse du chômage et une baisse des salaires. A cela s’ajoute des journées de travail longues et pénibles notamment pour les femmes et les enfants. Ces insatisfactions revendiquées par le POB, Parti Ouvrier belge, déclenchent une grève générale en vue de l’instauration du suffrage universel. La veille, le parlement belge rejettera la proposition de Paul Janson. Les activistes décident dès lors de venir manifester à Mons. Henri Sainctelette, alors bourgmestre, interdit la manifestation et demande à la Garde Civique d’empêcher les manifestants de pénétrer dans la ville. Peu habituée aux manifestations, cette Garde Civique perd son sang-froid, dans un affrontement qui la dépasse. Ces conflits feront 5 morts et 9 blessés graves.(2)

... Voici maintenant les grévistes qui reviennent plus résolus que jamais avec l’évidente intention de forcer le triple rang des gardes. Le premier cordon croise la baïonnette. Les manifestants avancent toujours, se saisissent des baïonnettes et tente de les arracher. Un corps à corps s’engage. La garde opère un simulacre de charge. Mouvement de recul de la foule mais au même moment des pierres sont lancées. Trois gardes sont blessés. Sans sommation aucune, un coup de feu part suivi d’une fusillade générale de quelques dizaines de secondes. Un officier se précipite et désespérément agite son sabre pour le « cessez le feu » quelques coups isolés partent encore… c’est fini… ! 3

« Entre Mons et le Borinage, il y a désormais une barrière de sang. Borains, n’oublions pas le sang répandu. Mais gardons désormais notre calme et luttons jusqu’au jour où nous aurons acquis nos droits. Alors nous nous souviendrons. », pouvait-on lire sur une affiche après la fusillade.

Parallèlement à cela, Paul Janson, libéral progressiste, parvint à faire adopter en février 1892, après de nombreuses propositions refusées, la proposition de la révision de la Constitution, dont l’article 47. Un compromis fut trouvé en un système de vote plural, et le suffrage universel (masculin) sera adopté en Belgique en 1919 (4)

Sur ce boulevard se situe un bâtiment remarquable abritant une véritable institution : le musée d d'Hygiène, vocable sous lequel les Montois connaissent le mieux « l’Institut provincial d’Hygiène et de bactériologie », devenu depuis 2007 : « Hainaut Vigilance Sanitaire ». Créé à la fin du XIXe siècle et érigé en 1911 au boulevard Sainctelette, cet institut avait pour mission globale de conserver et améliorer la santé des diverses couches sociales.

En premier lieu, lutter contre la rage (en 1905, sur 25 chiens soumis au diagnostic de l’Institut, 15 furent reconnus atteints de la rage, et de 1905 à 1907, 393 personnes ont reçu des morsures dues à des chiens enragés) et vérifier l’approvisionnement en eau potable de la population. (à cette époque, il a été constaté que sur 7.000 échantillons d’eaux provenant aussi bien du réseau de distribution que de puits - alors encore nombreux, les deux tiers ont été dénoncés par l’analyse comme impropres à la consommation. Conséquence, sans aucun doute, des conditions d’existence dans les grosses agglomérations entourant les bassins industriels).

L’institut était doté d’un service de recherches scientifiques par le biais de ses laboratoires de recherche, permettant un diagnostic des affections contagieuses pour répondre à toutes les demandes des administrations publiques et du corps médical. Il assurait également un service à but prophylactique de désinfection, à l’institut même, mais aussi sur place, en se rendant directement sur les lieux d’un foyer d’infection avec un véhicule spécialement équipé.

Il avait également pour mission la prévention, c’est-à-dire former l’opinion publique. Et comment peut-on mieux faire si ce n’est en lui montrant, dans un musée, tous les dangers, tous les désastres de la malpropreté, de la misère, de la contagion, tout en enseignant d’une façon tangible les avantages et bienfaits des mesures d’hygiène appliquées à l’existence individuelle et à la vie collective.

Le musée, en tant qu’organe d’éducation populaire, exposait des modèles, des graphiques, des vitrines et appareils se rapportant à l’hygiène alimentaire, vestimentaire ; à l’hygiène scolaire ; à celle de l’habitation ; à l’hygiène professionnelle ou collective et particulièrement tout ce qui concerne l’épuration des eaux résiduaires et la destruction des immondices. Un vaste auditoire permettait en outre de recevoir les élèves des écoles et des groupes de professionnels concernés par l’hygiène.

Ce musée est resté en place jusqu’en 1958, et a suffisamment marqué les esprits pour donner le nom de « Musée d’Hygiène » à l’ensemble de l’Institution malgré son changement de nom,en 2007, en Hainaut Vigilance Sanitaire.

Aujourd'hui, la santé environnementale constitue une nouvelle discipline à l'heure où les risques sanitaires liés à l'environnement représentent 5% du fardeau des maladies en Europe Occidentale. Une démarche intégrée s'est donc imposée pour répondre aux besoins nouveaux.Afin de réaliser ses différents objectifs, Hainaut Vigilance Sanitaire est doté d’un laboratoire d'analyses environnementales (analyses des eaux, sols, déchets, air, bruit), d’un laboratoire de microbiologie travaillant en étroite collaboration avec le service d'hygiène et de sécurité des denrées alimentaires (HSDA), d’un laboratoire de biologie appliquée reprenant la biologie moléculaire, d’un laboratoire des pollutions intérieures et d’un laboratoire d'hygiène et de salubrité des bâtiments.


1 Be-Monument.be.

2« Le nouveau dictionnaire des Belges (Thierry Denoël, Collectif) | Bibliomania » sur www.bibliomania.be

3 Léon Fourmanoit Des luttes…Des hommes…Et du Borinage.1993.

4 S. Di Pietro, « Quartiers d'Histoires: 1893, la fusillade de Jemappes, un évènement capital. », sur www.telemb.be, 23 janvier 2020

SAINT-LUC

RUE SAINT-LUC

Il y a bien une rue Saint-Luc à Mons... celle qui mène à l'école du même nom. Mais pas depuis longtemps : depuis 1980 seulement. Avant la mise à sens unique des boulevards, elle formait la prolongation de la rue du Gouvernement et portait ce même nom. L'importance du développement de cette institution justifie entièrement ce choix. Voici l'histoire de « l'Ecole Saint-Luc » :

Un jour de 1900, à l'occasion des fêtes de la canonisation de saint Jean-Baptiste de La Salle, les anciens élèves des Frères de l'externat Saint-Joseph de Mons, firent observer qu'il n'existait aucune école catholique destinée à la formation professionnelle des enfants du peuple sortant de l'école primaire. Les mêmes constatations furent émises en 1905 au congrès des Œuvres Catholiques, et, lors d'un banquet offert en l'honneur de Monsieur Hubert, nommé ministre en 1907, Monsieur le Vicomte Vilain XIIII, par un don généreux, permit un commencement de réalisation à ce qui allait devenir une nouvelle école Saint-Luc

Au départ, cette école s'installe provisoirement dans une des salles du Patronage Saint-Charles, rue des Gades. Elle s'ouvre le soir du 6 janvier 1908 avec trois élèves, ils seront vingt quinze jours plus tard et trente à la fin du semestre. A cette époque, les cours se donnaient uniquement le soir. La rentrée d'octobre 1908 eut lieu dans les locaux de l'ancien hôpital de Saint-Nicolas, rue de la Biche. Les frères, au nombre de trois, y établirent leur communauté. L'inauguration et la bénédiction des locaux se firent le 18 octobre, fête de Saint Luc. A cette époque, l'enseignement s'adresse spécialement aux étudiants de deux sections : section du bâtiment : architectes, géomètres, entrepreneurs et conducteurs des travaux, tailleurs de pierres, charpentiers, menuisiers, ébénistes, ferronniers ; section des arts décoratifs : peintres, dessinateurs en tissus et dentelles, graveurs, typographes, peintres verriers, mosaïstes, céramistes, sculpteurs, orfèvres, bijoutiers, dinandiers.

 

La nouvelle construction de la rue de la Biche démarre en 1913 sous la direction du Frère Macor, architecte qui fut l'auteur des plans de l'Ecole Saint-Luc de Liège. Les travaux seront brutalement interrompus par la déclaration de la guerre en 1914. Celle-ci entraîne une diminution importante du nombre d'élèves et une fermeture presque complète de l'école. Cependant, les travaux de construction sont lentement achevés et la toiture est placée sur des locaux à peine utilisables, en 1915. Nouveau coup dur en 1917 : l'école de la rue de la Biche est occupée par l'armée allemande. Les dégâts seront importants et une partie des collections didactiques sera détruite ou gravement endommagée.

 

Après l'armistice de 1918, la question fut posée de savoir s'il fallait rouvrir l'école. Comme signalé, celle-ci était en mauvaise posture : la bibliothèque était dévastée, les collections détruites. Le bâtiment ne comportait que quatre classes pour sept années d'études. Elle fut néanmoins réouverte en 1918 avec une vingtaine d'étudiants mais très vite la population scolaire s'est vue augmenter pour atteindre en 1937, 900 élèves. Divers facteurs sont à l'origine de ce développement. En 1924 : acquisition de maisons voisines dans la rue de la Biche. En 1925 : succès de l'école à l'Exposition des Arts Décoratifs à Paris. En 1927: ouverture de la section industrielle, à la demande des industriels de la région. (l'Ecole Saint-Luc devient Ecole d’ Arts et Métiers - Saint-Luc). Un atelier du fer s'installe aux "CINQ PINTES", maison des Ouvriers, rue de Nimy, pour une période de trois mois en 1928, puis au Cercle Militaire, rue d'Havré.

 

L'année 1928 marque le début d'une nouvelle époque, avec l’achat à l'avenue d'Havré (actuelle Avenue Reine Astrid) d'une propriété de quatre hectares. Ce sera le début de la construction d'un grand hall pour les ateliers. L'année suivante, ateliers, classes, réfectoires, salles de dessin et laboratoires vont sortir du sol.

 

L'année 1932 voit l'ouverture d'un internat avec l'admission de quatre pensionnaires. L'atelier est agrandi en 1934. C'est ensuite en 1935, la construction d'un hall de 60m x 15m, qui sera aménagé par la suite en chapelle, réfectoire des externes et sanitaires. Nouvel aménagement de l'Internat au second étage d'un nouveau bâtiment, en 1936. Cette même année, le Roi Léopold III accorde l'autorisation d'appeler l'école INSTITUT REINE ASTRID Mons (IRAM). En 1937, encore un bâtiment : menuiserie, salles de dessin, technologie. Également, lavoir vestiaire, salle d'étude et salle de jeux pour les internes. Le bâtiment de la Communauté est agrandi et, pour mieux organiser l'Internat, on réalise cuisine, réfectoire, dépendances, sans oublier une chapelle privée. L'année suivante l'Internat s'organise sur le plan pédagogique et adopte un système de self-government.

 

Mai 1940 : déclaration de la guerre, l'école Saint-Luc est pratiquement fermée.
Elle sera occupée par les Allemands pendant de longs mois. Les cours vont fonctionner sporadiquement à Mons et dans les localités voisines. En 1940 cependant, c'est la réalisation du laboratoire d'électronique qui s'implante le long de l'Avenue de l'Hôpital. Au début de la guerre, l'école comptait près de 600 élèves.

En 1941-1942, elle comporte cinq sections qui vont diplômer plus d'une centaine d'étudiants. Dès 1943, les conditions de vie seront pénibles ; la libération en 1944 et la fin de la guerre en 1945 seront accueillies avec grand bonheur. Même si la relance est difficile, on décide de réaliser un nouveau bâtiment à front de l'Avenue Reine Astrid. Il abritera l'école des ingénieurs techniciens et des dortoirs pour les internes. Les travaux dureront de 1948 à 1949.


 

1953 : agrandissement de l'Internat. 1954 : achat d'une maison, avenue Reine Astrid, n°25, destinée aux Frères étudiant à Saint-Luc. Réalisation d'une chapelle. 1955 : deux nouvelles salles de dessin. 1957 : mise en chantier d'un nouveau bâtiment en prolongement de celui de l'avenue Reine Astrid. Construction de deux classes sans étage. Achat d'une maison voisine. Rattachement à Saint-Luc d’une école d’horlogerie, créée à Mons en 1954. 1958 : quatre autres classes sans étage, bureau du Frère Préfet. 1959 : location d'un immeuble rue Fariaux pour y installer la bibliothèque littéraire de l'école qui connaît un succès important, tant auprès des étudiants que de personnes extérieures à l'école. Gérance d'une station d'essence BP à la chaussée de Binche afin d'y former des étudiants à la gestion de stations-service.


1960 : achat du garage voisin pour y installer le garage de l'école. Acquisition de l'ancien couvent des Rédemptoristes, rue de la Grande Triperie. C'est là, après transformation des bâtiments, que vont s'implanter progressivement les sections des régents techniques, des conducteurs de travaux et ensuite de divers graduats.


Au Boulevard : salle de cinéma et nouvelles classes sans étage, réalisées en deux mois de vacances. 1961: location du château de Salmonsart, prés de Soignies, aménagé en home pour étudiants ingénieurs et gradués. 1962 : construction d'un restaurant de 850 places, self-service pour les repas de midi. 1963 : le cap des 2000 élèves aux cours du jour est franchi. A la Régence, construction de 4 nouvelles classes dans le jardin, ainsi qu'un nouvel étage de dortoirs. Achat de terrains à la chaussée du Roeulx. Mise en chantier du home des étudiants de l'École d'ingénieurs techniciens à la chaussée du Roeulx. 1965 : début des travaux de la nouvelle école des ingénieurs techniciens, le long de l'avenue de l'Hôpital. L'année 1981 voit l'organisation de l'école en Centre d'Enseignement Secondaire (CES Saint-Luc) et la création d'un premier degré autonome. A partir de cette époque, les différents directeurs seront tous des laïcs. 1

 

Source : Instituts Sain-Luc. Mons.

Photos :

 

Les terrains à l'angle du boulevard et de l'avenue d'Havré (Reine Astrid) avant la construction des écoles St-Luc. FAPMC.

L'entrée principale. Carte postale des années 20 – 30. FAPMC.

Constructions de nouveaux bâtiments de l'école et du pensionnat.

Wikipedia.

 

Vue  aérienne des Ecoles S-Luc entre 1953 et 1965. Carte postale. Ed Cartabel-Combier. Coll. de l'auteur.

Station d'essence, chaussée de Binche, gérée par l'école. FAPMC.

ANNE-CHARLOTTE

ESPLANADE ANNE-CHARLOTTE DE LORRAINE

Le nom de cette esplanade rappelle le séjour en cet endroit même de la princesse Anne-Charlotte de Lorraine, la fille cadette du duc Léopold Ier de Lorraine et de Bar et de son épouse, née Elisabeth-Charlotte d'Orléans, elle-même nièce du roi Louis XIV et sœur du régent Philippe d'Orléans qui gouverna la France pendant la minorité de Louis XV, de 1715 à 1723.

Née au château de Lunéville, duché de Lorraine, le 17 mai 1714, Anne-Charlotte de Lorraine est décédée à Mons le 7 novembre 1773. Á l'âge de vingt-trois ans on la destine à l'Église. Elle est élue abbesse de la prestigieuse Abbaye de Remiremont située dans les Vosges. Un tel titre la met quasiment au rang des princes souverains puisque cette abbaye, uniquement composée de dames de haute noblesse et dont le domaine temporel englobe un grand nombre de villages, ne relève que de l'autorité du pape ! En tant qu'abbesse séculière, elle pouvait gérer son monastère tout en restant dans le monde.

De fait, elle n'y résidera pas préférant rester auprès de sa mère pour l'assister dans sa vieillesse. Après la mort de celle-ci en 1744, elle va demeurer à Vienne auprès de son frère François et de sa belle-sœur Marie-Thérèse d'Autriche qui vient de succéder à son père à la tête des possessions héréditaires de la maison des Habsbourg d'Autriche. Bien qu'éloignée de son abbaye, elle en supervise la gestion et y fait édifier, à partir de 1752 un palais abbatial qui doit refléter la puissance de son rang.

En 1754, Marie-Thérèse d'Autriche nomme sa belle-sœur abbesse séculière du chapitre de dames nobles de la Collégiale Sainte-Waudru à Mons, qui faisait alors partie des Pays-Bas dont son autre frère, Charles-Alexandre de Lorraine, était régent pour le compte de Marie-Thérèse depuis 1740. Deux ans plus tard, elle est encore nommée par sa belle-sœur, coadjutrice du monastère de Thorn, dans le Limbourg néerlandais puis en 1757, coadjutrice de celui d'Essen en Rhénanie, titres qu'elle cédera, avec celui d'abbesse de Remiremont, en 1763, préférant son séjour à Mons et dans les Pays-Bas. En effet, dans le même temps, à Bruxelles, Anne-Charlotte jouit d'une grande influence sur son frère, Charles-Alexandre, gouverneur général des Pays-Bas Autrichiens, qui était veuf sans enfants depuis dix ans, et auprès de qui elle fait office de première dame.

C'est évidemment un grand honneur pour le Chapitre noble de Mons de compter une altesse royale comme abbesse, qui plus est, belle-sœur de l'Impératrice. Se pose, alors, le problème du logement de cette « Madame Royale » et de sa cour. L'hôtel du prince de Ligne, rue de la Grosse Pomme, fut envisagé par l'ambassadeur comte Cobenzl, mais ne fut finalement pas choisi « en raison du prix considérable qu'il en demandait et du fait qu'il eut fallu le rebâtir presque entièrement à grands frais ». Une autre maison appartenant à un certain Virelle, située à proximité de la collégiale ne fut pas retenue non plus bien qu'elle fût en bon état, mais qu'on ne trouva pas suffisante pour le logement de la princesse ainsi que les personnes attachées à son service, et le terrain trop étroit pour y construire quelque autre bâtiment.

On jeta dès lors son dévolu sur l' ancien refuge de l'abbaye de Cambron, rue de Nimy (à l'emplacement de l'actuel palais de Justice), qui était un édifice suffisamment vaste et commode ne nécessitant que quelques augmentations de bâtiment. Celui-ci était occupé depuis 1718 par le Conseil Souverain du Hainaut mais le prince Charles-Alexandre le pria de déménager. (Les séances du Conseil se tinrent dès lors, et jusqu' en 1772, dans l'ancien refuge de l'abbaye de Saint-Ghislain (situé dans l'actuel îlot de la Grand-Place).

Dès le mois d'août 1754, on rédigea les cahiers des charges et les bordereaux de prix pour les travaux de modifications et de réparations à effectuer au bâtiment ainsi que pour la construction de diverses dépendances, vers la rue des Etampes. Cependant, le 17 novembre de cette même année, Anne-Charlotte de Lorraine vint prendre possession de sa dignité abbatiale auprès du Chapitre noble. Il fallut donc trouver un logement provisoire à la « Sérénissime Princesse » et à sa cour. On ne trouva qu'un seul endroit et on l'installa dans l'hôtel du Gouvernement, à la rue du même nom.

On sait1 que cet hôtel, qui avait appartenu à Joachim Biseau, avait été acheté le 1er mai 1691, par les États de Hainaut et la Ville de Mons, à la réquisition de l'intendant Voisin, pour servir de résidence au gouverneur français, Nicolas de la Brousse, comte de Vertillac (après la capitulation de la ville qui mit fin au terrible siège entrepris par le roi Louis XIV). On y avait également ajouté d'autres propriétés voisines ainsi que le jardin de la confrérie desarbalétriers de Notre-Dame pour en faire une place digne du rang du Gouverneur. Après la retraite des Français, cette demeure devint l'hôtel du Grand Bailliage ou du Gouvernement (du Hainaut).

On a travaillé aux bâtiments de la rue de Nimy durant cinq mois, lorsque : « Son Altesse Royale Madame la Sérénissime princesse Charlotte, notre très chère soeur, écrivit le prince Charles au conseil des finances, ayant résolu de rester dans la maison du Gouvernement qu'elle occupe actuellement dans la ville de Mons, il est indispensable qu'on y fasse différents ouvrages, tels qu'ils se trouvent détaillés ci-joint. Nous chargeons le Conseil de faire sans perdre de temps les dispositions requises pour effectuer avec la dernière promptitude tous les ouvrages dont il s'agit, etc... etc... ».

De plus, pour être agréables envers leurs majestés, les Magistrats de Mons cédèrent, par résolution du Conseil de Ville du 7 juin 1755, à la duchesse de Lorraine l'usage de deux corps de casernes de cavalerie, dites Casernes du Prince, situés près du couvent des Carmélites, à proximité de la rue des Passages, pour y placer les voitures et les chevaux de la princesse.

Non seulement le prince Charles de Lorraine s'occupa du logement de sa sœur, mais il vint à Mons le 19 juin (1755) pour poser, avec elle, la première pierre d'une chapelle que l'on bâtit « au Gouvernement », comme on disait . On y travailla fébrilement durant les mois de juin à octobre tandis que « S.A.R. Madame » allait s'installer au château de Mariemont où ses équipages conduisaient chaque jour, depuis Mons, quatre dames chanoinesses à dîner. Quoique les ouvrages n'étaient pas achevés le 25 septembre, elle revint à Mons et « s'y logea à l'étroit, tant le séjour de cette ville lui paraissait agréable ».2 Enfin, le 14 août 1756, un complément de travaux à effectuer à l'hôtel du Gouvernement fut proposé au Conseil des Finances en vue de la construction d'une orangerie d'environ 16 mètres par 8 dans le jardin. On ne pouvait rien refuser à la princesse.

Après son décès en 1773 (elle fut Inhumée dans l'église des Cordeliers à Nancy), le Conseil Souverain réintégra les lieux et on décida d'apposer une nouvelle façade de style Renaissance sur l'édifice, dès 1774. Durant la période révolutionnaire les bâtiments furent occupés par la préfecture du département de Jemmapes (sic). Notons en passant qu’après cette période troublée, un autre hôte illustre y séjourna en 1815 : Le roi de France Louis XVIII, de retour d’exil après les Cents Jours et la défaite de Napoléon à la bataille de Waterloo. En1844, on lui adjoignit un nouveau bâtiment, plus moderne, destiné à l'habitation du gouverneur de la province et à la salle des séances du Conseil provincial, construction due à l'architecte Jean-Baptiste Huriau.

Lors de la construction du nouveau palais provincial en 1957-1960, l'ancien hôtel de la princesse de Lorraine fut rasé, mais la façade renaissance fut démontée, numérotée et stockée dans les bâtiments des travaux publics à la rue des Trois Boudins, tandis que le portail était remonté (un pilier est neuf) à l’entrée de la nouvelle maison du gouverneur, rue Notre-Dame Débonnaire (actuellement déposé, il a été replacé au même endroit à la fin des travaux de construction de l'immeuble à appartements qui remplace cette maison). A la rue du Gouvernement, les annexes et le grand jardin, qui s'étendait jusqu'à l'arrière des maisons des rues Vertes, de Nimy et Gouverneur Damoiseaux, disparurent, ne laissant que quelques traces de végétation, entre les places d'un parking.

Quelques années plus tard, en 1979–1988, un autre bâtiment de prestige rassemblant les nouvelles reines de la communication : la radio et la télévision fut érigé à l'emplacement de l'ancien hôtel du gouverneur et des quelques maisons voisines formant le coin de la rue des Passages, achevant de faire disparaître toutes traces de l'ancien palais de la princesse sérénissime, hormis son nom.

Félix Hachez. Maison d'habitation de Madame Royale. Dequesnes-Masquelier. 1906.

Maximilien Leclercqz. Mémoires sur l'histoire de Mons, 1732-1772. Hoyois, 1870.

Photos :

Portrait de Anne Charlotte de Lorraine par Pierre Gobert, (1662-1744). Musée des Arts Étrangers. Paris.

Façade renaissance de l'ancien hôtel du Gouvernement vers 1900. Photo anonyme. FAPMC.

Porche d'entrée de l'ancien hôtel du Gouvernement vers 1900. Photo anonyme. FAPMC.

Cour intérieure de l'ancien hôtel du Gouvernement vers 1900. Photo anonyme. FAPMC.

Annexes de l'ancien hôtel du Gouvernement vers 1900. Photo anonyme. FAPMC.

Salle de réunion à l'arrière du palais du Gouvernement vers 1900. Photo anonyme. FAPMC.

Plan de la préfecture de Jemmapes sous le régime français. FAPMC.

Vue vers le côté gauche du jardin de l'ancien hôtel du Gouvernement vers 1900. Photo anonyme. FAPMC.

Vue vers le fond du jardin de l'ancien hôtel du Gouvernement vers 1900. Photo anonyme. FAPMC.

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