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FRERE

AVENUE FRERE ORBAN

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Ce n'est pas par hasard que le nom de Frère-Orban fut donné à cette large avenue créée vers 1872 à l'emplacement du lit de la Trouille. Hubert Walther Frère-Orban (1812-1896) était un homme politique libéral belge qui a marqué de son empreinte le premier demi-siècle d'indépendance de la Belgique. C'est lui qui, en tant que ministre des finances fit voter en 1861 la loi sur la démolition des fortifications et aida Mons à concrétiser ses projets d'urbanisme, notamment la création des nouveaux boulevards puis l'aménagement de l'ancien lit de la Trouille. En effet, c'est précisément à cet endroit que la rivière entrait dans la ville avant d'effectuer son parcours intra-muros. Il était donc normal de donner à cette avenue le nom de celui à qui la ville devait beaucoup pourriez-vous la réalisation de ces travaux titanesques.

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Cette avenue a été percée la où se dressait, depuis le Moyen-âge, la porte dite de la Guérite ou des Guérites. Comme la cité était enserrée dans des fortifications, il avait évidemment fallu prévoir un passage au travers de celles-ci. En réalité, ce n'était pas une porte piétonnière ou cochère comme les cinq autres que comptait la ville (il y eu, cependant, un temps, un chemin d'entrée sur la rive droite mais il fut supprimé en 1752 lors d'un réaménagement des remparts), mais d'un renforcement protégeant l'entrée de la rivière dans la ville. Cette porte était constituée d'une muraille percée de trois arcades en plein cintre munies d'une herse permettant l'écoulement de l'eau. D'après un dessin réalisé avant sa démolition, ces arcades étaient surmontées d'une bâtisse à toiture en bâtière. Cette « porte » par laquelle entrait la rivière dans la ville a porté divers noms : porte d'Hyon, de Saint-Pierre (en raison de la proximité, et du village, et d'un moulin portant ces noms), de l'abbaye de Lobbbes (qui avait des terres dans les parages), enfin, de Tupin ou Tupinel, du nom d'un propriétaire de la terre où elle fut établie. Sa construction débuta vers 1295, les maçonneries furent réalisées en 1318 et il semble qu'elle fut terminée en 1344 (.1),

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La réalisation de la nouvelle fortification, en 1815- 1820, entraîna, à l'exception de la solide tour Valenciennoise, la démolition de ce qui restait de l'enceinte communale du XIIIe siècle, qui avaient été étonnamment préservée jusque là, principalement les portes. Dès lors, l'entrée de la Trouille ne se fit plus que par un canal étroit creusé en les parois des talus d'escarpe et de contrescarpe, avant de passer sous le mur principal par une arche en tiers-point barrée d'une solide grille métallique, puis longer la rue du Pont de Londres, nom que portait l'avenue Frère-Orban à l'époque. Effectivement le premier pont (mentionné dès 1466) sous lequel passait le cours d'eau s'appelait ainsi probablement du fait qu'à cette époque, il y avait près de la porte de la « Gharite » une maison qui s'appelait « Maison de Londres »2. Ce pont se situait à peu près dans l'axe de la rue Jean Lescarts actuelle. Il était destiné à donner accès aux maisons coincées entre la muraille et la boucle que formait le cours d'eau à cet endroit. C'est fort logiquement que la rue qui menait de l'ancien chemin de ronde intérieur (actuelle Grande Voirie ou rue des Archers) au seul point de passage sur l'autre rive de la rivière, prit dans l'usage courant le nom de rue du Pont de Londres. Ce n'est qu'au début du XIXe siècle (avant 1828), qu'il fut déplacé dans l'axe de la rue de la Halle. Plus tard en 1856, c'est juste dans son axe que fut édifié, rive gauche, le nouveau Marché aux Poissons.

C'est dès 1832 que le conseil communal décida d’installer le marché aux poissons un peu à l'écart du cente-ville qui se tenait jusque là près de la Grand- Place, au bas de la rue du Miroir ; mais incommodait, sur le plan olfactif, quelque peu, malgré qu'en 1825, une fontaine y avait été installée pour plus de salubrité. Il fallut, cependant attendre 1856 pour que les travaux soient enfin terminés. L’architecte de la ville, Charles Sury, à qui l'on doit les plans, ne trouva rien de mieux que d’imaginer cet étrange bâtiment de style mauresque que l’on peut voir sur la photo ci-jointe. C’était une construction de forme ovale aux dimensions assez modestes (environ 22m sur 18) entourant une cour intérieure à laquelle on accédait par un porche monumental Le tout était recouvert d’une toiture se terminant par un étonnant bulbe surmonté d’une flèche où figurait un poisson. Mais celui-ci ne subsista pas longtemps, car sitôt les fortifications disparues et la Trouille détournée, l’ouverture de la ville vers les nouveaux boulevards entraîna en 1872 son arasement complet ainsi que la disparition du pont qui y donnait accès afin de créer un passage vers l’Ecole Normale et l’avenue d’Hyon nouvellement créées.

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Remarquons que le long de cette rue « du Pont de Londres », se trouvait, et se trouve toujours, formant le coin droit de la rue Jean Lescarts, un bâtiment remarquable de sept travées, bâti dans le style tournaisien, mais, malheureusement remanié au XIXe siècle, qui présente sous un important arc de décharge, un large portail dont les lourds vantaux ont conservés des pentures et un cloutage forts anciens. La clé de l'arc de décharge de celui-ci affiche la date de 1725, mais probablement s'agit-il là d'une reconstruction de la façade à cette époque, certaines parties du bâtiment étant manifestement plus anciennes (salle au plafond de briques disposées en « cul de four » reposant sur des piliers en pierres ). Sur le plan de Mons qu'a édité, de 1842 à1879, Philippe Popp dans son «  Atlas cadastral parcellaire de la Belgique », celui-ci indique qu'il s'agit d'une brasserie. En fait, elle remonterait beaucoup plus loin dans le temps. Ce qu l'on sait c'est que, de tout temps, elle porta naturellement le nom du pont qui se trouvait juste en face, à savoir « Brasserie du Pont de Londres ».

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En 1852, cette ancienne brasserie montoise fut rachetée par un brasseur installé depuis 1829 à Neufvilles et dont les affaires étaient florissantes : Edouard Caulier et son épouse Augustine Maquez. Après lui, son fils Edmond fit construire en 1870, non loin, de là, sur des terrains récemment libérés par la démolition des fortifications une nouvelle brasserie qui occupa tout l'espace situé entre le boulevard Dolez, la rue des Archers et les rues actuelle Frère-Orban et du Chanoine Puissant, . En 1923, les héritiers regroupèrent les activités des trois sites de brassage qu'ils possédaient, à Neufville, Bruxelles et Mons, sous la dénomination « Caulier frères », dont le siège social fut installé à Bruxelles. Par la suite, le 30 septembre 1960, les Brasseries Caulier fusionnèrent avec la brasserie Labor, la brasserie Impérial, d’Anderlecht, et d’autres, pour former, le 29 mai 1964, la « SA Brasserie de Ghlin » dont les unités de production furent rassemblées dans un nouveau complexe industriel construit dans le zoning de Ghlin, le long du canal ; et le bâtiment du boulevard fut démoli vers 1965 pour faire place à celui construit par la banque de la Société Générale, devenue entre-temps BNP-Paribas-Fortis.

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Signalons que les bâtiments de l'ancienne brasserie du Pont de Londres vont reprendre vie dans ce même secteur de la bière, après 82 ans d'activités mécaniques et de services aux automobiles, sous l'enseigne de « Garage Saint Christophe » car une jeune entreprise compte relancer prochainement un brassage dans les vénérables locaux et ramener ainsi à Mons une très ancienne pratique qui avait totalement disparu.

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Ajoutons que l'avenue Frère-Orban est l'une des rares voiries à porter, de nos jours, le même nom de part et d'autre du boulevard et puis, aussi, à présenter autant de « monuments ». A commencer par celui élevé à la mémoire de Jules Cornet (1865-1929) par l'Association des Ingénieurs de Mons et inauguré le 17 mai 1953 par le roi Baudouin lors de sa « Joyeuse entrée » à Mons. Jules Cornet fut le brillant scientifique qui, lors d'un expédition au Congo en 1891, réussit à reconstruire à partir de constatations forcément locales et souvent superficielles, la géologie de tout le continent africain, pourtant encore pratiquement inexploré. C'est à lui que l'on doit les premières études de la géologie et de la géographie physique du Congo et de tout le centre africain . De ce fait c'est lui qui permit ainsi le prodigieux essor industriel et minier du sous-sol Katangais. De retour il accepta la chaire de géologie à la Faculté polytechnique de Mons qu'il occupa pendant trente années. Un minéral découvert dans la région du Katanga porte maintenant son nom: la cornetite.

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Non loin de là, le monument dédié à la 1ère Division d’infanterie des Etats-Unis, la fameuse « Big Red One », monument d’abord érigé à Goegnies-Chaussée, sur la route de Maubeuge à Mons, là où les combats avaient été les plus intenses, mais qui s'est vu déplacé en 1994 au boulevard Dolez pour marquer le pointde départ, en Belgique, de la libération du territoire par les forces américaines. Cependant, Mons, doit sa libération rapide essentiellement aux hommes de la 3ème Division blindée américaine et, curieusement, ce sont le hommes de la 1ère Division d’infanterie des Etats-Unis, qui sont honorés. Certes, la contribution de ceux-ci dans la liquidation de la « Poche de Mons » a été efficace, mais ni plus ni moins que celle de leurs camarades de la « Spearhead »…ou de l’United States Army Air Forces (USAAF). De plus, il est certain que les premiers soldats américains à avoir atteint les limites de Mons, le 2 septembre 44, vers 18h25 appartenaient bien à la 3ème Division blindée. Mais la politique mémorielle de la « Big Red One » s’est avérée plus performante. En effet, dès la fin de la guerre, ses porte-parole ont entrepris d'élever en différents lieux symboliques des monuments commémoratifs semblables : un obélisque imposant, dédié à la mémoire des soldats de la division disparus durant le conflit. Le monument dédié à la 1st Infantry Division de l'US Army fut inauguré le vendredi 09 septembre 1994.

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Tant et si bien que les gars de la 3ème Division blindée se retrouvaient un peu oubliés sinon par l’Histoire, du moins par l’art monumental. L'oubli a été réparé tardivement : un char de type « Sherman », censé représenter ceux de la « Spearhead » a été installé sur un piédestal sur ce même boulevard Dolez le 1er septembre 2019, à l'initiative de différents groupes voués à la Mémoire. Par un heureux hasard (mais est-ce un hasard ?), il se trouve en face du « Mons Memorial Museum », en bordure de l'avenue, dont la muséographie est attachée à la mise en relief de l'histoire locale, et notamment celle des deux guerres mondiales.

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Rappelons que jadis fut érigé – au même endroit que l'obélisque américain un monument dédié au chansonnier montois Antoine Clesse (1816-1889). Ce monument était dû au talent du sculpteur Paul Dubois, mais, comme d’autres, ses bronzes furent enlevés par l’occupant allemand en 1918. Cependant, dès 1932, de nouveaux bronzes furent installé sur l’ancien socle, mais pour on ne sait quelle raison il fut déménagé dans les années 1950 à la place du parc où il se trouve toujours;

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S. Ghiste, F. Dubois, G.Jacob. Mons Ville fortfiée, Ville Ouverte.2019.

Charles Rousselle. A travers les Rues de Mons. 1864.

Photos :

La porte de guérites. Lithographie de Gaspard Lheureux. 1826. Umons.

Le 1er pont de Londres, face à la Brasserie. Extrait du plan Desaubleau.1786.UMons

Le 2e pont de Londres devant le Marché au Poisson. Extrait du plan Popp (1856 à 1872). Umons.

Le marché aux poissons de 1856. Aquarelle de Léon Dolez. 1869. UMons

Le marché aux poissons de 1856. Photo Umons

L'avenue Frère-Orban début du XXe siècle. Photo anonyme. FAPMC.

La majestueuse entrée de la Brasserie Caulier au début du XXe siècle. Carte postale. Edition Caulier. Collection de l’auteur.

Les bureaux de la brasserie Caulier dans les années 1950. Photo anonyme. FAPMC.

Les ateliers de la brasserie Caulier dans les années 1950. Photo anonyme. FAPMC.

Les mêmes vus du boulevard et de l'avenue Frère-Orban. Photo anonyme. FAPMC.

La brasserie Caulier et le garage Saint-Christophe, Frère-Orban. Photo anonyme. FAPMC.

Le monument Jules Cornet. Carte postale. Coll. de l'auteur.

Le nouveau monument Antoine Clesse (1932).Carte postale. Coll. de l'auteur.

Le monument dédié à la 1ère Division d’infanterie des Etats-Unis. Carte postale. Coll. de l'auteur.

ROOSEVELT

SQUARE ROOSEVELT

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Depuis ce square, on a une vue imprenable sur la collégiale. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Voici son histoire : Au début du XVIIe siècle, une communauté carmélite s'établit dans l'hôtel de Frezin, situé à la rue de la Grosse Pomme au pied de l'encloître du Chapitre, importante propriété qui avait appartenu à Charles de Gavre, comte de Frézin qui possédait un vaste jardin avec issue dans la rue des Kiévrois (actuelle rue de Bettignies). Les religieuses y résidèrent jusqu'en 1632. En 1664, c'est la communauté des Capucines qui l'occupa et fit bâtir, en 1646, une chapelle dotée d'un clocher. Elles quittèrent, cependant, les lieux en 1648 pour de plus vastes installations dans le quartier du Trau Haubourdin. L'hôtel devint alors le refuge de l’abbaye de Lobbes,

Par la suite, l'édifice fut racheté et réaménagé par le prince de Ligne pour lui servir de pied-à-terre, mais il ne fut jamais très fréquenté par leurs propriétaires successifs qui préféraient leur séjour de Beloeil ou de Baudour. Le dernier fut Charles de Ligne, Grand Bailli de Hainaut.

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Après avoir été incendié par les troupes françaises en 1792, cet hôtel fut racheté en 1828 par la Commission des Hospices, en accord avec le Bureau de Bienfaisance. Il fut, alors, en partie reconstruit sur les plans de l'architecte M. Carlier et aménagé en 1841 en hospice destiné aux indigents incurables auxquels la Commission attribua une partie des revenus de la Grande Aumône (appellation qui désignait l'ensemble des libéralités destinées à la généralité des pauvres de Mons).

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Sur la photo ci-contre quelques pensionnaires endimanchées pour la circonstance posent dans le vaste jardin attenant à l'hospice pour le photographe, aux côtés des bonnes sœurs de la Charité qui sont en charge de l’hospice. Les hommes étaient hébergés dans l’autre aile (il y avait à cette époque de 130 à 140 pensionnaires, hommes et femmes). Il est tout-à fait étonnant de découvrir, en pleine ville, cet immense jardin paisible, surplombant la rue des Ursulines (actuellement De Bettignies). Dans le fond à gauche de la photo, on reconnaît la Banque Nationale, devenue de nos jours le musée Duesberg, et à droite, l’école des Ursulines, devenue l’Artothèque.

 

Comme on peut le voir sur une autre photo, l'hospice était accolé à sa gauche par un autre bâtiment de taille imposante construit en 1762. La Commission des Hospices y avait transféré en 1890 la maternité et l’école d’accouchement, institutions créées en 1825 et qui, jusqu'à lors, étaient installées dans les locaux de l'ancienne abbaye du Val des Écoliers.

 

En 1926, le bâtiment fut vendu à la Société Nationale des Chemins de Fer et devint le siège de la direction du groupe de Mons.

 

Le 16 mai 1940, au moment de leur retraite devant la poussée des Allemands, les troupes françaises qui l'occupaient, voulant détruire les archives des Chemins de Fer afin que l’envahisseur ne puisse s’en servir à des fins militaires, incendièrent l’édifice. Les bombardements allemands firent le reste et il n’en resta que des murailles calcinées, comme on peut le voir sur les documents ci-dessous. Après la guerre, on hésita à le reconstruire, mais finalement il fut décidé de le raser afin de dégager complètement (jusque-là,elle n'était que partielle, par le square des Repenties) la vue sur le grand portail de la collégiale en créant un square par devant et, en même temps, établir une communication en ligne droite depuis la place du Chapitre vers la gare.

En effet, jusqu'à cette date, le plus court chemin entre le centre de la ville et la gare passait par la nouvelle rue du Chapitre, percée en 1896, dont le bas venait buter contre le vaste bâtiment de l'hospice des Incurables ; faisait le tour par la rue des Repenties, qui avait été élargie spécialement (1883 et 1896) pour faciliter le passage à cet endroit ; revenait par la rue des Ursulines pour enfin descendre vers la gare par la rue de la Houssière, nouvellement créée (1882 - 1883).

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La création de ce nouvel espace, auquel on donna le nom de square Franklin Delano Roosevelt en l'honneur du président des Etats-Unis qui a décidé d'aider les Alliés européens à vaincre le Nazisme, fit disparaître le nom de cette rue des Repenties qui ne se justifiait plus, le couvent n'existant plus. Voici, néanmoins, d'où provenait cette dénomination peu habituelle :

En 1321, cette rue portait le nom de rue Saint-Nicolay, mais c'est suite à l'installation d'une congrégation portant ce nom dans cette rue qu'elle ne fut plus connue que sous cette appellation.

Les « Repenties » sont, à l'origine, des filles de joie dont les établissements, les « estuves » étaient situées pour la plupart le long de la Trouille qui, à cette époque, traversait la ville.Voici comment elles passèrent peu à peu de la vie dissolue qu'elles menaient à l'origine, à l'existence cloîtrée.

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La veuve de Charles le Téméraire, Marguerite d'York (1446-1503) soeur des rois d'Angleterre Edourad IV et Richard III, résidait dans ce quartier où passait la Trouille (dans l'actuelle rue de Bouzanton). Le voisinage des étuves était, comme on le pense, assez gênant pour elle. D'autre part la vie pitoyable de ces femmes l'avait émue. Elle désira alors leur donner la possibilité de s'écarter de ce milieu de prostitution et leur trouver un refuge. Elle adressa donc au Conseil de Ville une requête dans ce sens. Celle-ci fut favorablement accueillie puisque le Conseil décida d'assister ces femmes et de « leur bailler lieu pour ensemble résider et vivre ».

En 1484, les Repenties vivent dans une maison qui leur est prêtée et on les aide en leur donnant des matériaux, notamment pour établir un dortoir. Elle s'occupent à filer la laine pour gagner leur vie. En 1485, Madame la Grande, comme on appelait la duchesse, s'intéressant toujours à elles, leur fit un don de deux maisons pour y installer leur communauté. Cette fondation fut autorisée par le Chapitre de Sainte Waudru et les Repenties s'établirent dans cette nouvelle demeure, cependant, ne prononçant pas de voeux, elles pouvaient en sortir pour se marier.

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Vers 1500, un règlement préside à l'organisation de leur communauté. Des sanctions sont édictées pour celles qui se comportent mal : « elles pourront être mises à pain et à eau » et être « bouttées dehors ». C'est à cette époque que commença leur rôle d'infirmière, à la fois privées et communales. Un conflit, d'ailleurs surgit alors entre le Conseil de Ville et le Chapitre de Sainte-Waudru pour la direction de cette maison. Pour toute rémunération, elles étaient logées, nourries et vêtues.

En 1515, les Repenties donneront la mesure de leur dévouement : une « peste », c'est à dire une sévère épidémie, éclate dans la ville et elles se dépensent sans compter pour sauver les habitants victimes de l'épidémie. Également accoucheuses, elles recueillent les enfants infectés par la maladie. En 1580, elle deviennent aussi infirmières des prisonniers.

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Cependant, elles sont l'objet de nombreuses attaques de la part de plusieurs communautés religieuses qui convoitent leur demeure, notamment les Dames d'Epinlieu et le Jésuites, mais en vain grâce au Conseil de Ville qui intervint en leur faveur dans le conflit. Puis ce fut le tour des religieuses de l'abbaye de Lobbes et, à nouveau les Jésuites, puis les religieuses de Sainte-Claire, puis en 1608, les Carmélites. Malgré ces vicissitudes, les Repenties continueront à se dévouer car, en 1615, éclate une nouvelle peste et, cette fois, la communauté n'échappe pas à la contagion et est en partie décimées.

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Plus tard, les Repenties, ou soeurs de la Madeleine, suivirent une clôture complète dans leur couvent situé au coin de la rue des Ursulines et de la rue qui porte leur nom1, et comme beaucoup de communauté contemplatives, elles furent supprimées, d'abord en vertu de l'édit porté par l'empereur Joseph II, le 17 mars 1783, puis par la Convention Française en 1796. Après cette suppression définitive, le couvent fut démoli en 1798 et le terrain vendu. Une partie de celui-ci fut incorporée dans celui des Clarisses, supprimé lui aussi, pour former une grande boulangerie militaire ainsi que des magasins divers, pour les armées qui vinrent successivement occuper Mons.

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Quand la gare constitua une nouvelle et importante entrée de la ville grâce au formidable essor que connu le chemin de fer dans le dernier tiers du XIXe siècle, il fut rapidement jugé opportun d’établir une liaison la plus directe possible depuis le centre vers celle-ci. Pour ce faire il fallut notamment faire sauter le goulet que formait la rue dans sa partie haute afin de faciliter le passage du charroi à cet endroit. De plus, cet élargissement permettait, par la même occasion, de dégager en partie le grand portail de la collégiale, qui, faute de recul, n’était pas mis en valeur.

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Le conseil communal donna rapidement son accord, et les premiers travaux commencèrent en 1883 par la démolition des maisons située vers le haut de la rue, à droite. Elles ne sont déjà plus visibles sur la photo ci-dessous, mais on distingue encore parfaitement l’emplacement qu’elles occupaient. Puis ce fut le tour de celles du bas, encore visibles sur la photo. A remarquer que, d’après l’ancrage, elles étaient assez vénérables car datant de1626. Elles étaient la propriété des Hospices civils.

Enfin, ce fut au tour de la maison qu’occupait l’aumônier de l’hospice des Incurables voisin, dont l’entrée se faisait entre les deux édifices par le lourd portail que l’on voit ci-dessous. Ce portail fut récupéré et remonté dans le nouveau mur ceinturant l’hospice, et par la suite, après la démolition de celui-ci, rue des Telliers n°2 où il se trouve toujours.

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Le résultat, comme on le voit sur les vues ci-dessous, était parfaitement satisfaisant. Mons comptait un nouveau square ; dit des Repenties ou de Ste Waudru, que pouvaient emprunter des automobiles, et le tram qui depuis la création de la ligne en 1934, devait aussi emprunter la rue des Repenties, par le biais de virages tellement serrés qu'il lui arrivait parfois de dérailler.

P. Heupgen

Photos :

Implantation de l'hôtel de Ligne dans le quartier. Extrait du plan Goffaux. 1828.

 

Façade de l'hospice des Incurables, rue de la Grosse Pomme. Carte postale oblitérée en 1905. Ed. Bertels. Coll. De l'auteur.

 

La maternité et l'hospice. Carte postale oblitérée en 1910. Ed. Valbonnet. Coll. De l'auteur.

 

Façade arrière de l'hospice, vue sur le jardin. Photo anonyme. FAPMC.

 

Les pensionnaires dans le jardin, côté femmes. Photo anonyme. FAPMC.

 

Les pensionnaires dans le jardin, côté hommes. Photo anonyme. FAPMC.

L’hôtel des Chemins de Fer après les bombardements de la dernière guerre. Photos anonymes. Collection Patrice Frasca.

 

Les derniers gravats de l'hôtel des Chemins de fer. Photo anonyme. FAPMC. Collection privée.

 

Plan des maisons à démolir pour élargir le passage vers la gare. Extrait du plan Goffaux. 1828.

Disparition en 1883 des premières maisons de la rue des Repenties. Photo A. Stalport ou E. Quéquin. FAPMC. Coll. Serge Ghiste.

Maisons qui seront démolies en 1896, rue des Repenties. Photo A. Stalport ou E. Quéquin. FAPMC. Coll. Serge Ghiste.

La maison de l'aumonier de l'hospice des Incurables. Photo A. Stalport. FAPMC .Coll. A. Faerhès.

 

Le square des Repenties vers Ste Waudru. Carte postale oblitérée en 1904. Ed. DVD. Coll. De l'auteur.

 

Le square des Repenties vers la chapelle des Ursulines. Carte postale non datée. Ed. D Phot. Coll. De l'auteur.

 

Haut de la rue des Repenties, virage serré pris par les trams. Photo anonyme.Coll. Privée.

GUERITES

AVENUE DES GUÉRITES

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Cette avenue doit si-on nom à l'ancienne porte d'eau, dite de la Guérite ou des Guérites, qui permettait l'entrée de la Trouille dans la ville. Comme la cité fut enserrée dans des fortifications dès le Moyen-Age (1290-1391), il avait évidemment fallu prévoir un passage pour celle-ci au travers des remparts. En réalité, ce n'était pas une porte piétonnière ou cochère comme les cinq autres que comptait la ville (il y eu, cependant, un temps, un chemin d'entrée sur la rive droite mais il fut supprimé en 1752 lors d'un réaménagement des remparts), mais d'un renforcement protégeant l'entrée de la rivière dans la ville. Cette porte était constituée d'une muraille percée de trois arcades en plein cintre munies d'une herse permettant l'écoulement de l'eau. D'après un dessin réalisé avant sa démolition, ces arcades étaient surmontées d'une bâtisse à toiture en bâtière. Cette « porte » par laquelle entrait la rivière dans la ville a porté divers noms : porte d'Hyon, de Saint-Pierre (en raison de la proximité, et du village, et d'un moulin portant ces noms), de l'abbaye de Lobbbes (qui avait des terres dans les parages), enfin, de Tupin ou Tupinel, du nom d'un propriétaire de la terre où elle fut établie. Sa construction débuta vers 1295, les maçonneries furent réalisées en 1318 et il semble qu'elle fut terminée en 1344.1

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La topographie retint le nom de porte des Guérites. D'où vient ce nom ? Au Moyen-Age, des épidémies frappaient régulièrement nos contrées. Celles de 1315 et surtout de 1348 (qui nous valut la création de la procession de Mons) décimèrent un bonne partie de l'Europe. Pour éviter d'être contaminés en raison de la promiscuité urbaine, les magistrats, bourgeois et autres possédants de la ville prirent l'habitude lors de ces périodes de contagion, de se retirer avec leur famille dans des cabanons en dehors de la ville, le long de la rivière de Trouille qui était alors parfaitement champêtre à cet endroit. A l'époque, on appelait ces cabanons de « Guérites », et ce sont celles-ci qui donnèrent son nom à la porte toute proche et de là, après sa disparition, à l'avenue qui bordait, jusqu'en 1962, la rive droite de la rivière.

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Au cours des siècles, avec l'évolution de la poliorcétique, des travaux de renforcement des fortifications de la ville furent entrepris successivement, notamment en 1572, par la réalisation d'ouvrages défensifs pour améliorer la défense de l'entrée de la Trouille en ville ; ensuite, en 1673, par des ouvrages avancés triangulaires, dits en queue d'aronde, le long de la rivière, qui plus tard, plus furent amplifiés par Vauban après la prise de la ville en 1691 par les troupes de Louis XIV. lors de la période autrichienne de 1750 à 1781, ces anciennes fortifications, en partie rasées par les Français pendant leur occupation de 1746 à 1749, furent remplacées par des bastions rasant, mieux adaptés aux progrès de l'artillerie,. Á cette date de 1781 ? la ville fut déclarée ouverte et les fortifications démantelées, sauf la muraille du Moyen-Age, toujours existante, qui ne présentait pas d'intérêt stratégique. Ce n'est qu'en 1816-1826, après cinq cents ans d'existence, que l'ancienne porte des Guérites (ainsi que toutes les autres) disparut dans le nouveau dispositif de défense imposé par les ingénieurs militaires hollandais. Il n'y eut plus, à proprement parler, de porte de défense, mais un simple trou garni d'une herse dans la muraille, permettant le passage de la rivière qui se faisait d'abord entre deux murs qui épousaient le profil des fossés et glacis précédant le chemin couvert continu et le rempart principal.

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Après le démolition des fortifications et l'aménagement des voiries destinées, de part et d'autre des boulevards, à relier les faubourg et villages environnant à l'intra-muros, les chemins qui bordaient la Trouille de chaque côté avant son entrée dans la cité, furent aménagés et lotis. Á celui de la rive droite on donna le nom de l'ancienne porte d'eau en souvenir de celle-ci tandis que l'autre berge prenait le nom du pont sur la rivière ou passait l'ancien chemin de ronde.

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S. Ghiste, F. Dubois, G.Jacob. Mons Ville fortfiée, Ville Ouverte.2019.

Photos :

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Ancienne porte des Guérites. Lithographie de G. Lheureux. 1826. BUMons.

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Les défenses de la porte des Guérites par Vauban (extrait). 1691-1746. BUMons.

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Entrée de la Trouille dans la ville fortifiée. Dessin de Léon Dolez. 1862. BUMons.

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La Trouille entre les avenues es Guérites et du Pont-Rouge. Carte Postale des années 1930. Ed. L. Willame. Coll. de l'auteur.

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Lavandières avenue des Guérites Photo Léon Losseau vers 1901. Fondation Losseau.

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L'avenue des Guérites dans les années 1930 Carte postale. FAPMC.

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