AVENUE PIERRE-JOSEPH DUMENIL
Depuis sa création en 1864, cette avenue a porté successivement les noms d'avenue de Nimy, d'avenue de l'Armée, après la libération, en 1919, puis d'avenue Victor Maistriau, bourgmestre de Mons de 1926 à 1953, enfin, après le démembrement causé par la mise en circulation à sens unique des boulevards en 1981 le nom qu'on lui connaît aujourd'hui. Mais qui est ce personnage ?
Né le 26 août 1811 à Mons, il participa comme volontaire à la révolution belge de 1830, à 'âgr donc de 19 ans, tant à Mons qu'à Bruxelles et Berchem où il fut le porte-drapeau des volontaires montois. Ce qui lui a valu d'être décoré, en 1835, de la Croix de Fer, distinction décernées aux citoyens qui, depuis le 25 août 1830 jusqu'au 4 février 1831, ont été blessés ou ont fait preuve d'une bravoure éclatante dans le combats soutenus pour l'indépendance nationale, ou ont rendu des services signalés au pays. Cette récompense consistait, d'abord, en une croix en fer à quatre branches entourant un écusson portant le Lion Belge, en or, entouré d'un cercle en or, et, sur le revers : 1830 ; et aussi en une médaille en fer, portant d'un côté le Lion Belge avec l'exergue : aux défenseurs de la patrie ; et, de l'autre côté, neuf écussons aux armes de chacune des neufs provinces, avec, au centre, un soleil et le millésime 1830, plus les mots : Indépendance de la Belgique en exergue.
Par la suite, il fut élevé au rang d'Officier de l'Ordre de Léopold et détenteur de la Croix civique de 1ère classe. Il était sagement devenu fonctionnaire au ministère des Finances. Il était l'ami intime d'Antoine Clesse, poète et chansonnier montois, qui fit son éloge dans une de ses chansons. Pierre-Joseph Duménil est décédé le 4 janvier 1889 à Saint-Josse-ten-Noode où il repose à l'emplacement 104P.
Voici comment se déroulèrent les événements auxquels il contribua avec tant de bravoure : les Montois étaient passablement agités depuis quelques temps par les nouvelles de la révolution parisienne qui avait éclaté durant le mois de juillet. Tout a commencé par une belle fin d’après-midi du mois d’août lorsque la diligence avait apporté quelques nouvelles en provenance de Bruxelles où le bruit s’était répandu que des échauffourées s’étaient produites dans le centre de la ville. Aussitôt, les esprits des Montois s’échauffèrent. De nombreux groupes d’ouvriers envahirent les cafés de la Grand-Place pour en discuter, tandis que certains autres, restés devant l’hôtel de ville, se mirent à crier « Vive la Liberté ! » « Vive la cocarde tricolore ! » Chaque jour, le ton montait un peu plus. Pour les autorités communales, il était temps de réagir. Le lendemain, tous les hommes en âge de servir, pour ceux qui le voulaient, furent invités à se présenter à l’hôtel de ville afin de s’incorporer dans la garde urbaine qui allait voir le jour. Huit compagnies purent être ainsi formées, dont une à cheval, qui vinrent renforcer la Garde communale et contribuer à assurer la tranquillité de la cité.
Puis, les événements se précipitèrent dans la soirée du 3 septembre, tous les Montois s’étaient retrouvés convaincus, on ne sait comment, du départ prochain d’une partie de l’artillerie de la garnison montoise vers Bruxelles afin de mater les révolutionnaires qui s’agitaient dans la capitale. Alors, le sang des Montois ne fit qu'un tour, et une foule, entraînée par quelques meneurs se dirigea vers la porte de Nimy pour s’en emparer afin d’empêcher ce départ. Comme les soldats hollandais ne s’attendaient pas à un tel assaut subit, elle tomba rapidement aux mains des citadins. Puis ce fut le tour des autres portes. Le lendemain, le gouverneur, les officiers de la garnison et les autorités, toujours respectueuses de la loi, vinrent sommer les bourgeois de remettre la garde des portes à la garnison. Ce qui, heureusement, fut fait sans trop de résistance ni autres incidents.
Quelques jours après, un soir, la nouvelle se répandit que le pays était séparé de la Hollande. Ce fut alors du délire, le carillon sonna à toute volée, des coups de fusil éclatèrent, des vivats fusèrent de partout. Les officiers de la Garde urbaine et ceux de la Garde communale fraternisèrent avec ceux de la garnison. Malheureusement, à Bruxelles, le prince d’Orange venait d’arriver pour prendre la tête des troupes hollandaises et les nouvelles devinrent rapidement alarmantes. Un affrontement était inévitable. A Mons, la résistance s’organisa.
Quelques jours après, au cours d’une grande parade des gardes sur la Grand-Place, le bourgmestre, entouré de toute la Régence, remit aux compagnies à pied un beau drapeau tricolore aux couleurs noir, jaune, rouge et un guidon pour la compagnie à cheval. Dans son discours, il expliqua que ces couleurs, que la ville avait choisies, étaient celles de plusieurs provinces belges dont le Hainaut. Ensuite, il invita les Montois à attendre dans le calme, l’ordre et la paix publique que se dénouent les grandes questions qui étaient du ressort de la représentation nationale qui allait se réunir pour assurer l’indépendance et le bonheur du nouveau pays.
Mais, chaque jour, on sentait la tension monter. Le 19 septembre 1830, ce fut une véritable révolution à Mons. Ayant appris la présence du général hollandais Howen à l’Hôtel Royal, le peuple montois, à nouveau échauffé par quelques hardis meneurs, s’y rendit en vociférant pour manifester sa rancœur contre ceux qu’ils considéraient désormais comme des occupants. Mais le général n’y était pas, car il s’était réfugié à l’arsenal où campait la garnison hollandaise. Alors la foule, massée sur la Grand place, se dirigea vers le beffroi dont les portes furent enfoncées. Quelques énergumènes gravirent les escaliers et bientôt, le tocsin se fit entendre dans toute la ville. Pendant ce temps, d’autres révolutionnaires pénétraient dans la cour de l’hôtel de ville pour réclamer de la poudre et des balles aux gardes urbains de faction. Une fois là, ils forcèrent les portes de la Salle Verte et s’emparèrent des tambours de la Garde communale et, de plus en plus excités, se mirent à parcourir les rues en battant la générale. Naturellement, la population accourut voir ce qui se passait et la foule grossit rapidement. A un moment, un millier d’hommes, dont quatre cents armés de fusils pris aux postes de garde, dévalèrent la rue de Nimy pour prendre d’assaut la porte, mais une compagnie d’infanterie et quelques canonniers occupaient le bastion situé du côté rue. Une bataille s’engagea, ils firent feu de leurs pièces d’artillerie tandis que la fusillade crépitait de part et d’autre. La mitraille fit reculer la foule et l’assaut fut repoussé, mais les Montois s’accrochèrent et, jusqu’à la nuit tombante, continuèrent de tirer contre le poste qui se défendait énergiquement.
Jusqu’au moment où les troupes de la Garde Civile, le général Duvivier en tête, vinrent prendre à revers les assaillants. Alors, pris entre deux feux, les Montois rebelles déposèrent leurs armes et s’enfuirent en courant dans les rues. L’ordre fut promptement rétabli, dans l’intérêt de la Ville. L’effusion de sang n’eut pas lieu, mais on déplora néanmoins plusieurs morts et de nombreux blessés. Ainsi se termina l’affaire de la porte de Nimy.
Heureusement, par suite de l’écrasement des troupes hollandaises du prince Frédéric au parc de Bruxelles, les choses évoluèrent favorablement pour les révoltés. A ces nouvelles, le bataillon hollandais de garde à l’Hôtel de Ville se mutina, bientôt suivi par ceux occupant les casernes. Les soldats rassemblèrent armes, munitions et bagages, puis quittèrent la ville sans permission aucune. Le général Howen fut fait prisonnier par la maréchaussée, les autres officiers et soldats restés fidèles furent enfermés au fort de la porte d’Havré (c’est pour cela qu’on l’a appellé le fort des Hollandais). Le calme étant revenu à Mons, Pierre-Joseph Duménil partit combattre les troupes hollandaises en déroute et se fit remarquer le 24 octobre 1830, à Berchem où il réussit à planter en avant des tirailleurs le drapeau de sa compagnie qui fut brisé dans ses mains par la mitraille ennemie1.
En reconnaissance , la Vile de Mons reçut, lors d'une cérémonie qui s'est déroulée le 27 septembre 1832, en présence du premier roi des Belges, un drapeau dʼhonneur comme toutes les communes qui, pendant la révolution de septembre, avaient envoyé des secours aux combattants de la capitale.
Les autorités communales ont quand même bien fait en rappelant ces hauts faits en donnant son nom à cette avenue. Mais ce n'était pas le premier rappel au souvenir des concitoyens. En effet en 1930 fut inauguré sur la place Régnier au Long Col une fontaine à la mémoire des combattants de 1830. Jusqu'en 1957, date à laquelle elle fut déménagée au centre du square Saint-Germain pour remplacer le monument Dolez dégarni des ses bronzes depuis 1918. Elle est l'oeuvre de l'architecte F. Poutrain. La colonne qui supporte la grande vasque porte les noms des combattants montois morts en 1830 : Victor Andry, Joseph Devis, Auguste Durieux (né à Mons en 1800, journalier), Pierre Gantois (entrepreneur), Joseph Hollande (journalier), Xavier Lamir (né à Mons en 1810, célibataire), Joseph Lecomte (mort à l'âge de 18 ans, journalier), Pierre Maréchal (né à Jemappes en 1806), Félix Pille, François Tercelin et Nicolas Vienne (serrurier).
Pour être complet, signalons que sur l'avenue se trouvait une aubette destinée à abriter les voyageurs de la ligne de tram (à vapeur) qui montait jusqu'à la Grand-Place. Celle-ci était installée en bordure d'une double voie permettant le croisement de deux convois puisque la ligne se terminait en cul-de-sac à la Grand-Place. A l'arrière de celle-ci on avait dressé vers 1901 un pylône destiné à supporter les lignes téléphoniques aériennes de l'époque.
Enfin, au n° 2 de l’avenue de l’Armée (nom de l'époque), le dimanche 27 mai 1934, s’ouvrait au public un bassin de natation couvert appelé le Lido, dans un bâtiment Art Deco construit dans les années 20 et qui avait été jusque là, un atelier-garage, servant d’annexe aux établissements Wattiez situé un peu plus loin dans le bas de la rue de Nimy. C’est ce qui explique la présence encore à l’époque où la photo a été prise, des deux pompes à essence que l’on voit de part et d’autre de l’entrée du bassin de natation. Racheté par la ville le 12 mai 1949, cette unique piscine couverte de la ville resta en service jusqu’en 1988, date à laquelle elle fut démolie pour être remplacée par un hôtel qui, curieusement, en a gardé le nom. Il faudra attendre 35 ans pour la voir remplacée. (la piscine de l’université UMH fut fermée en janvier 2002 et celle de l’IDEA à Cuesmes en avril 2002.
1Les citoyens décorés de la Croix de Fer. Ed. Michelli Brux. 1865.
Photos :
Portrait de Pierre-Joseph Duménil.
Révolutionnaires prêtant serment de vaincre ou mourir. « L’union nous rend fort ». Carte postale. Collection de l’auteur.
La porte de Nimy. Dessin d’Etienne Wauqière. BUMons.
Vue intérieure de la porte de Nimy. Dessin de Léon Dolez. BUmons.
évolutionnaire de 1830. Photo « Le Patriote Illustré ». Coll. de l’auteur.
Episode de la Révolution de 1830 de Gustave Wapers. Carte postale. Coll. de l’auteur.
Drapeau d'honneur remis à la Ville de Mons en 1832. Photo Pro Belgica.
L'avenue de Nimy et l'aubette du vicinal devant la double voie de croisement. Carte postale vers 1900. Coll. de l'auteur.
L'ancien garage Wattiez devenu le bassin de natation « Le Lido ». Carte postale du milieu des années trente. Coll. de l'auteur.
L'intérieur du bassin « Le Lido ».Photo anonyme. FAPMC..
RUE CHANOINE PUISSANT 1
Edmond Félix Puissant fut une personnalité hors du commun à bien des égards, une personnalité dont le rayonnement dépasse les frontières du Hainaut. Il fut à la fois prêtre, professeur, collectionneur, archéologue, restaurateur, artisan-potier (il créa durant la guerre 1914-1918 une poterie à Sars-la-Bruyère, à la suite de la découverte d'une terre plastique par des gamins du village qui façonnaient des billes cuites dans le four de la cuisinière familiale), entrepreneur de travaux (il n'hésitait pas à mettre la main à la pâte et à manipuler la truelle lui-même ) membre de la Commission royale des Monuments et des sites de la Commission de surveillance de l'Académie des Beaux-Arts, de la société des Bibliophiles belge séant à Mons, du comité Hanonia et enfin président du Cercle Archéologique de Mons de 1914 à 1919 et de 1925 à 1928.
Né à Renaix le 23 octobre 1860, Edmond Félix Puissant fut notamment vicaire à l'église Sainte-Elisabeth (1890) et premier professeur de religion à enseigner à l'Athénée de Mons (1897-1917), plus tard (en 1925) il fut nommé chanoine honoraire de la cathédrale de Tournai. Mais il fut surtout un archéologue passionné très actif. En effet, il fit l'acquisition et restaura successivement : le château d'Herchies (1901-1912) ; le donjon de Sars-la-Bruyère (1914-1920) ; le château d'Havré (1921-1923), celui d'Ecaussines-Lalaing (1924-1929) et participa à la restauration du château de Trazegnies.
Soit dit en passant, il était partout : c'est lui qui réorganisa, vers 1928, la présentation des oeuvres de Jacques Dubreucq dans la collégiale Sainte-Waudru. C'est lui qui fut la cheville ouvrière de la modernisation de la procession du Car d'Or à l'occasion du centenaire de la Belgique. C'est lui encore qui servit de conseiller "scientifique" pour les sujets très fouillés des nouveaux vitraux offerts à la collégiale à l'occasion du jubilé des 25 ans de décanat à Ste-Waudru de Mgr Ferdinand de Croÿ. C'est ce qui explique sans doute qu'il figure dans un des vitraux néogothiques, œuvre du maître verrier Camille Ganton, placée en décembre 1932 dans la chapelle du Crucifix (déambulatoire).
De chacun de ces châteaux dont il fit l'acquisition, il ramena du mobilier, des oeuvres d'art, des objets divers, dans divers endroits et notamment dans sa maison montoise de la rue Terre du Prince qu'il avait surnommée « ma petite gaïole ». (une ferronnerie présentant sur un fond de viroles, une croix chrétienne, une plume et un pinceau entrecroisés témoignent du passage du chanoine dans cette maison). Objets qu'il transporta par la suite dans les immeubles qu'il venait d'acheter (en 1930- 31) et qui allaient constituer les Musées Puissant. Deux bâtisses très différentes mais typiques l'une et l'autre : le « Vieux Logis », du XVIe siècle et la chapelle Sainte-Marguerite (d'Antioche) du XIIIe siècle.
La première, située au n°22, en bas de la rue Notre-Dame Débonnaire, était une partie de l’ancien refuge de l'abbaye de Ghislenghien, du XVIe siècle, englobée dans des constructions postérieures du XVIIIe. Cet édifice est un exemple magnifique de l'architecture de l’époque : maison haute et étroite, à toit en forte pente et pignon pointu, dont la construction en briques présente de nombreuses caractéristiques architecturales du temps : chaînages d’angles et encadrements des ouvertures en pierre ; meneaux en pierre aux fenêtres, arc en accolade sommant les portes ; appareillages de couleur sur certains trumeaux. Une très belle construction que le chanoine avait admirablement restaurée et aménagée pour y abriter ses collections.
L’autre partie du musée, située un peu plus loin à la rue des Sars, était une très ancienne chapelle édifiée au XIIIe siècle. C’est une construction fort simple, de style roman, en pierres frustes, avec portail en plein cintre à claveaux, percée d’étroites fenêtres, également en plein cintre. La toiture est recouverte de tuiles plates façonnées à la main, dites « pannes de Mons », avec, au milieu du versant côté cour, une grande et belle lucarne aveugle. Le Chanoine avait déniché cette petite merveille en 1931 parmi un amas de taudis insalubres qui la submergeaient complètement. Tout simplement par l’étude d’un plan de la ville datant du XVIe siècle levé par un certain Jacques Deventer, en fait, le plus ancien connu de Mons. Cette chapelle avait été totalement oubliée parce qu’elle avait été transformée pendant la Révolution en habitation à logements multiples afin d’échapper à la destruction. Puis, délaissée par la fabrique d’église de Ste Waudru, elle avait finalement été aliénée en 1882 et engloutie petit à petit sous diverse constructions parasites. Le chanoine avait acheté tout le lot entourant la chapelle, et entrepris de dégager ces lieux qui, jadis, avaient été un cimetière avant d’être désaffectés suite à l’ordonnance de 1784 de l’empereur Joseph II, qui ordonnait d’enterrer dorénavant les morts en dehors des agglomérations. En consultant les archives, le chanoine découvrit que les montois appelaient ce cimetière « l’Attacat », qui est une contraction des mots âtre, qui veut dire cimetière en picard, et cat : chat : cimetière des chats, probablement parce que les gens du quartier qu’on y inhumait étaient très pauvres. Malheureusement, une assez longue distance sépare les deux sites, ce qui nuit assez à l’unité de l’ensemble muséal, mais le Chanoine avait fait en sorte que les deux musées se complètent ; d’une manière générale, les objets religieux avaient été rassemblés à la chapelle tandis que les collections profanes étaient conservées au Vieux Logis.
Le chanoine était en avance sur son temps. Il avait compris avant d'autres l'intérêt de conserver des documents authentiques ou des objets de qualité. Entre 1880 et 1934, le chanoine a ainsi accumulé, sans logique apparente - en tout cas sans avoir laissé d’écrits qui auraient pu en dire plus à ses successeurs - et au hasard de ses rencontres et de ses trouvailles, une collection phénoménale, partagée, donc, entre le Vieux Logis et l'Attacat. Rarement tant d’objets ne durent leur survie à un seul homme. La majorité des objets rassemblés par le Chanoine Puissant avaient été acquis par échange, par don ou par achat. Fureteur infatigable, il visitait les vieilles maisons, les fermes, les cures, et y repérait les livres, les meubles, les objets d’art ou curieux qui l’intéressaient. Mais on ignorait souvent la provenance exacte de la plupart d’entre eux, car ce collectionneur n’a malheureusement laissé aucune note ni inventaire systématique de ses biens.
Son affabilité, son don de la persuasion et son esprit d’à-propos, à une époque où peu de gens connaissaient la valeur pécuniaire de leur mobilier, aidèrent le collectionneur à rassembler tant d’œuvres de qualité. Comme cette «vierge de Frameries» en albâtre, attribuée à l'atelier de Jacques Du Broeucq : le chanoine l'avait repérée chez un particulier et l'a eue longtemps dans son collimateur. Elle est finalement entrée en sa possession contre 20 francs de l'époque et la promesse de nombreuses prières au bénéfice du propriétaire. A tel fermier, il donnait un beau clapier fait de bois blanc et de treillis métallique et obtenait en échange une crédence du XVIe siècle utilisée comme cage à lapins ; de tel curé de campagne, il obtenait contre de bonnes et saintes paroles un antiphonaire du XVe siècle devenu inutile dans la paroisse, ou une chasuble du XVIIIe siècle qui ne se portait plus aux offices. La perspicacité, la chance et… la soutane le servirent bien !
On imagine qu'il s'y prit de la même manière pour rassembler une centaine d'incunables, 2.000 manuscrits et plus de 3.000 livres anciens. Une fabuleuse bibliothèque qui comprend, entre autres, l'une des trois bibles de Gütenberg recensée en Belgique.
En 1933, il légua ses propriétés et toutes ses collections à la ville de Mons et à la bibliothèque communale (devenue entre-temps Bibliothèque de l'UMons) à charge pour elles de les préserver et entretenir.
Il mourut le 7 mai 1934 et fut inhumé, par dérogation spéciale, dans sa chère chapelle de l'Attacat qu'il avait redécouverte et restaurée, en plein milieu de l’ancien oratoire maintenant transformé en musée public. Sur sa tombe, on trouve l'inscription : « Reverendo Domino Canonico Puissant qui de Montibus optime meruit hanc cappellam sanctae Margueritae dicatam e ruinis suscitavit ». Oui, la Ville de Mons lui doit beaucoup, notamment cette charmante chapelle qui lui sert maintenant de tombeau. Elle n’avait pas oublié de le graver dans la pierre, malheureusement, depuis 2001-2002, l'oubli s'est installé, les musées ont été fermés et les collections dispersées.
1 Christiane Piérard. Les Musées Chanoine Puissant à Mons.
Photos :
Le Chanoine Edmond Puissant. Carte postale édition Nels. Collection de l’auteur.
Le Vieux Logis, rue Notre-Dame Débonnaire, 22. Photo de l'auteur. 2011.
La salle XVIe siècle du musée du Vieux Logis. Carte postale édition Nels. Collection de l’auteur.
La bibliothèque du Chanoine Puissant. Carte postale édition Nels. Collection de l’auteur.
La cour du musée de l'Attacat. Carte Postale. Edition Nels. Collection de l’auteur.
La chapelle Sainte Marguerite et, derrière, le « Vieux Logis ». Photo anonyme. FAPMC.
La tombe du chanoine Puissant. Photo « le Patriote Illustré » n°26 du 28 juin 1936.
Détail d'un vitrail de la chapelle du Crucifix de la collégiale Sainte-Waudru représentant le chanoine Puissant.
La « marque » du chanoine sur l'imposte de la porte de sa maison. Photo de l'auteur.
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RUE DE LA FOURMILIERE
Voilà un nom plutôt inattendu pour une rue située à proximité du centre-villle. Qu'est-ce que ces braves hyménoptères viennent faire là ? Eh bien, ça n'a rien à voir. En attribuant ce nom à l'ancienne rue de Saint-Denis (pour cause de double emploi depuis la fusion des communes), la Ville a voulu tout simplement rendre hommage à Auguste Fourmy, écrivain patoisant qui signait ses oeuvres, par dérision, « de la Fourmilière ».
Le fait qu'un littérateur patoisant voie son nom figurer sur une plaque de rue est assez rare pour qu'on le souligne : en effet, en dehors du curé Charles Letellier, qui a sa cour en bas de la rue d'Havré ; de Marcel Gillis, qui à sa rue sur le territoire du village d'Hyon, de Fernand Maréchal, auteur local, fondateur du journal « Le Dragon », et aussi de Georges Delporte (1890-1965), autre auteur patoisant, qui a sa rue non loin, aucun autre écrivain patoisant n'a été honoré de la sorte. Pour être de bon compte, certains se virent attribuer une plaque commémorative, soit sur leur maison natale : Fernand Dessart (1864-1932), rue de la Chaussée n°3, et Benoit Quinet (1818-1902) actuellement au Jardin du Mayeur, sa maison natale ayant disparu. Enfin et surtout les quatre littérateurs patoisants considérés comme les fondateurs de la littérature dialectale montoise écrite : Henri Delmotte (1798 – 1836), Jean-Baptiste Descamps (1809 – 1886), Pierre Moutrieux (1824 – 1908), Charles Letellier (1807 – 1870), par le biais d'une oeuvre les représentant tous les quatre apposée dans le Jardin du Mayeur, et qui est due au sculpteur Gustave Jacob (son inauguration eut lieu le 24 septembre 1933).
Auguste Fourmy (1881 – 1936) est né dans la rue des Trois Boudins (appelé à l'époque Trau Boudin, près de l'ancienne caserne des lanciers, aujourd'hui disparue. Il a grandi dans ce quartier populaire coudoyant tous les types et caractères qui y foisonnaient et dont il s'inspira dans son œuvre littéraire et surtout dramatique. Il vint au journal patoisant « Le Ropïeur » en 1906 où il signa « De la Fourmilière ». Par la suite il prêta sa plume au journal « El Sinche », puis au « Dragon ».
Dans sa carrière - toujours en patois, il aborda tous les genres : en prose : des contes, des chroniques, tableaux du passé et romans ; en vers : une cascade de fables et de poésies dans le genre épique, mais aussi des opéras comiques ou dramatique avec des vaudevilles ou des tragédies. Les titres signés de sa main sont nombreux, retenons, en 1908, avec Fernand Maréchal, « Les R'culots » puis en 1910 « Les Fourmiches »1, dont voici un extrait :
"T'in ein caup, j'ai comme eine imblouite (éblouissements) : là, jusse au mitan dé l' pâche, j'ai vu m' portréet ! A promière vue, jé n' veux nié l' coire... mais pourtant c'est mi ! Ouais, c'est bé mi ! Au pus qué j' m' argarde, au pus qué j' m' arcounnois. « Comme ej sûs bé féet ! Quée prestance ! Comme j'ai l'air distingué ! Ah ! Comme tous les morciaux d' féseus d' moulons vont squetter dé m' vîre là d'ssus ! »
Ainsi, mi, tout d'suite que les gazettes ont ieu l' malheur dé m'apprinte qué j'étois « un jeune auteur de talent », « un poète délicieux » (oui, Madame, délicieux), eh bé, coyemme si vos l' voulez, mais m' caractère s'a r'tourné comme ein' cauchette. Eié mi, pus ombrageux qu'ein fouan (taupe), co pus modesse qu'ein' punéese, j'ai comminché pa faire des imbarras d' quéviau et à m' gober presqu' autant qu'ein officier d ' garte-civite..."
On l'a dit, avant de prendre le nom de ce littérateur patoisant, cette rue fut appelée lors de la création des boulevards, vers 1864, rue de Saint-Denis. Et ce pour commémorer la bataille qui eut lieu dans ce village proche de Mons, en 1678, quand les alliés, sous la conduite du Prince d'Orange, vainquirent les Français commandés par le maréchal de Luxembourg et purent lever le blocus infligé à Mons par les troupes de Louis XIV.
Il y avait au début du XXe siècle un endroit curieux dans cette rue : au °40, un estaminet entièrement décoré en rocaille de béton avec faux arbres et fausses branches, appelé la Grotte de Monte-christo, où l'on pouvait tout en dégustant un bon verre entendre, lors de fêtes ou de « cabarets wallons », de la musique jouée par un orchestre installé sur une mezzanine. Pendant le belle saison, il disposait d'une terrasse pareillement décorée installée sur les toits de l'immeuble. Il était tenu à l'époque par Victor Scouflaire. Aujourd'hui tout a disparu.
1 Les Fourmiches. Mons. Imprimerie Boland. 1910.
Photos :
Caricature d'Auguste Fourmy par lui-même.1907.
En-tête de son recueil de textes publié par Louis Boland & fils en 1910.
Une du Journal « el DRagon » du 15 juin 1924.
La « Grotte de Monte-christo », 40 rue St-Denis, le bar. Carte postale oblitérée en 1909. Ed. M. Marcovici, Bruxelles.
La « Grotte de Monte-christo », la salle, Carte postale oblitérée en 1909. Ed. M. Marcovici, Bruxelles.
La « Grotte de Monte-christo », la terrasse. Carte postale non datée. Ed. M. Marcovici, Bruxelles.
Carte postale publicitaire pour le rocailleur Achille Durecq, 87 chaussée du Roeulx.