RUE ROLAND DE LASSUS
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Celui-ci naquit à Mons en 1532 et est décédé à Munich en 1594. Compositeur majeur de la Renaissance, iI connut de son vivant une grande notoriété à l’échelle européenne. Dès 1541, il obtint à Rome la place de maître de chapelle à l’église St Jean de Latran, avant de parcourir toute l’Europe, puis se fixer à Munich où il entra, en 1561, au service du Duc de Bavière comme directeur de sa chapelle. Surnommé prince des musiciens il fut comblé d’honneurs et reçut, notamment, le meilleur accueil à la cour du roi de France Charles IX.
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Sa statue fut la première à être érigée à Mons. Elle le fut sous l’impulsion du gouvernement national qui voyait, par la reconnaissance d’hommes illustres, un moyen de renforcer l’attachement des citoyens à la Belgique nouvellement indépendante. Mais c’est à la Société des Sciences, des Arts et des lettres du Hainaut que l’on doit l’idée d’ériger une statue en l’honneur de ce grand montois. C’était en 1840. Cependant, malgré la bonne volonté de la société de musique « Roland de Lattre » créée dans le but de récolter des fonds en donnant des concerts, on ne réussit pas à trouver la somme nécessaire à sa réalisation. Heureusement, suite à l’inauguration d’une même statue à Munich, la Ville de Mons se décida à avancer le quart de la dépense bientôt suivie par la Province et le gouvernement qui apportèrent le solde. Il fallut attendre le 23 mai 1853 pour voir inaugurer cette statue, soit deux ans après la pose de la première pierre, en grande pompe, par le duc de Brabant, futur Léopold II, accompagné de son frère, le comte de Flandres ; en présence des ministres de l’intérieur et des travaux publics, ainsi, bien sûr, que de l’ensemble des édiles communaux et de toute la communauté scientifique et artistique locale. Cette statue, fort élégante au demeurant, représentait Roland de Lassus, plus grand que nature, dans le costume du XVIe siècle, auprès d’un orgue dont il s’apprête à tirer des accords. Les deux bas reliefs en bronze sur le piédestal en pierre de Soignies personnifiaient la musique d’église et la musique profane.
C’est à Paris où, bien qu’originaire de Tournai, travaillait le sculpteur choisi par la Commission, Barthélémy Frison, que la statue fut coulée. Le sculpteur prit pour modèle.un portrait d’époque conservé à la Bibliothèque Royale de Munich où le musicien vécut longtemps. On l’installa au milieu de la place du Parc, bien qu’un moment, il fut envisagé de l’installer sur la Grand Place, c’est dire l’importance qu’on lui accordait.
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Malheureusement peu sensibles à l’aspect artistique et honorifique du monument, les occupants allemands l’enlevèrent en 1918 pour la fondre et en faire des douilles d’obus. Ce qui peut paraître étonnant quand on sait que Lassus travailla si longtemps dans leur pays où les plus grands lui rendirent hommage, notamment le roi de Bavière qui lui fit élever, en 1849, à ses frais, une statue en plein Munich. Juste retour des choses, celle-ci fut détruite pendant la seconde guerre mondiale, mais ... remplacée en 1958. A Mons, seul le groupe d’enfants chanteurs, symbolisant la polyphonie de Roland de Lassus (bronze par Christian Leroy), installé 1969 au parterre sud de la collégiale, en rappelle le souvenir.
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Photos :
Statue de Roland de Lassus. Carte postale non datée. Coll. Privée.
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Socle de la statue de Roland de Lassus après son enlèvement. Carte postale oblitérée en 1924. Ed. E. Desaix. Coll. de l'auteur.
PLACE DU PARC
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Avant de porter le nom de place du Parc, cet espace porta le nom de place Verte et, en remontant plus loin encore, au XIVe siècle, le nom de place Saint-Jean. C'est en 1340 que l'on commença à bâtir les premières maisons d'habitations sur ce terrain en friche, dernier vestige de l'ancienne « Garenne » (réserve de gibier du comte de Hainaut). Apparemment, cela prit beaucoup de temps pour urbaniser ce quartier car on lit ceci dans le rapport du Conseil de Ville tenu le 19 décembre 1409 : « Fut parlet comment despuis la porte du Parc jusquez le Markiet, en venant par la nuefve rue, il y a peu de maisons et de tant que, envers la place Saint-Jean, il y avoit grand wit, il sembloit que bon seroit de sur la ditte place Saint-Jean bailler aucune cantité à rente, et ce seroit à ce moyen besoing de faire visitation. »
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Le terrain resta longtemps planté de platanes (avec en son milieu un espace réservé au jeu de balle) ce qui explique son nom de place Verte. Ce n'est qu'en 1820 que la Régence montoise décida de le transformer en jardin public. On planta deux rangées de tilleuls sur son pourtour et, au point central où se rejoignent les allées, on a installé une pièce d'eau avec une statue d'Apollon en son centre (plus tard, elle fut remplacée par celle érigée en hommage à Roland de Lassus, grand compositeur montois. Un kiosque fut également installé et y on jouait de la musique lors de soirées musicales ou de fêtes de nuit.
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La place du Parc est bordée sur son côté nord-est par les différents bâtiments de l’ancien couvent des Visitandines ou de la Visitation Sainte-Marie, congrégation fondée à Mons en 1650 par des religieuses venues de Paris. Ils forment un quadrilatère qui entoure un jardin. Ils furent construits de 1661 à 1732, sur les plans de l'architecte montois, Claude Joseph de Bettignies, à commencer par celui constituant l’aile nord et qui présente une remarquable façade renaissance alternant harmonieusement des chapiteaux de fenêtre en forme de triangle et d’arc.
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Après la suppression de la congrégation en 1796, le couvent servit de commissariat de police ainsi que de prison civile pour hommes et pour femmes. Et ce, jusqu’en 1867, date à laquelle les prisonniers furent transférés dans la toute nouvelle maison de sûreté construite au boulevard. La chapelle, édifiée de 1715 à 1718, magnifique exemple de style baroque, fut convertie, d'abord, en magasin à fourrage pour l'armée, puis, sous le régime hollandais ,en temple protestant. Par la suite, elle servit de musée de peinture jusqu’au moment où celui-ci fut transféré, en 1913, dans le nouveau musée de la rue Neuve (ce musée avait été créé en 1840 et avait d'abord été installé das une salle de la Bibliothèque publique). Elle redevint temple protestant luthérien en 1914 pour les troupes allemandes et temple anglican, en 1918, pour les Anglais et les Canadiens.
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En 1871–1873, les bâtiments conventuels furent affectés aux Archives de l’État, puis, en 1920 - 1925, à celles du Gouvernement provincial, qui les occupèrent jusqu’en 2006 avant de déménager vers les Grands Prés (auparavant, les Archives dont l'organisation fut instituée en 1788, étaient conservées dans des salles de la Bibliothèque publique et du Palais de Justice).
En 1940, le 14 mai, l’aviation allemande, dont l’objectif était la gendarmerie voisine, atteignit le bâtiment Nord de l’ancien couvent où se déclara un incendie qui ravagea finalement l’entièreté des étages des différentes ailes et une grande partie des rez de chaussée, ce qui entraîna la perte des deux tiers des archives qui y étaient entreposées.
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Reconstruit et restaurés de 1948 à 1951, les bâtiments de l'ancien couvent furent inaugurés en présence de la reine Elisabeth en 1954. Depuis 1968, ils sont affectés à l'administration de l’Université de Mons-Hainaut et la chapelle, à la Bibliothèque Centrale. L'ensemble restant fut racheté en 2006 par l'Université de l'Etat à Mons (actuelle UMONS), et restauré pour permettre l'installation du Rectorat (en 2009).
Le 29 juin 2011, un incendie détruisit le clocheton de la chapelle. Celui-ci fut restauré et réinstallé le 2 novembre 2016. En 2017, des travaux furent entamés sur la partie arrière de l'édifice pour accueillir les Bibliothèques de Sciences Humaines de l'UMONS, tandis que la chapelle devient le « hall cultuel » de l'UMONS.
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Dans le périmètre du pentagone que forme la place sont venus s'implanter le monument aux morts des deux guerres, dû au sculpteur Louis Gobert (vers 1920) ; celui d'Antoine Clesse, en provenance du boulevard Dolez, où il se trouvait près de la Machine à Eau. (celui-ci avait été sculpté par Paul Dubois en 1908 mais fut remplacé par une autre statue en 1932, suite à son enlèvement par les Allemands en 1918) ; enfin le puits Saint-Pierre, fontaine qui fut transplantée, vers 1960, depuis le Marché aux Poulets à l'extrémité de la rue des Quatre Fils aymon.
Photos :
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La place du Parc en 1820. Lithographie d'Etienne Wauquière. BUMons.
Vue générale de la place du Parc. Carte postale oblitérée en 1919. Coll. De l'auteur.
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Dépôt des archives de l'Etat. Carte postale oblitérée en 1925. Coll ; De l'auteur.
Façade de la Chapelle des Visitandines. Carte postale non datée. Coll. De l'auteur.
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Aile renaissance de l'ancien couvent. Dessin de Léon Dolez.1870.BUMons.
L'ancien couvent incendié en 1940. FAPMC.
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La statue de Roland de Lassus. Carte postale non datée. Coll. De l'auteur.
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Le monument de Lassus sans sa statue. Carte postale non datée. Coll. De l'auteur.
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Monument aux morts des deux guerres. Carte postale non datée. Coll. de l'auteur.
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Le monument Antoine Clesse. Photo de l'auteur.
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La fontaine Saint-Pierre. Photo de l'auteur.
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RUE DE LA BICHE
D'après les indications fournie par quelques anciens baux à loyer, cette rue s'appela primitivement rue Jean Henault (ou Renault). Elle fut tracée dans les premières années du XVIe siècle. En effet, on peut lire dans les rapports des Conseils de Ville des 14 et 21 février 1534 ce qui suit : « La rue Jean Henault, au touquet (coin) de la rue d d'Havrech, vers l'issue de l'hôpital Saint-Nicolas, nouvellement érigée... »
Avec le temps et l'usage, à l'instar de nombreuses autres rues à Mons, elle finit par prendre le nom que portait l'enseigne d'une auberge située dans la rue, beaucoup plus facile à mémoriser, et s'appela, donc, rue de la Biche. On trouve dans une relation du siège de Mons en 1709, une mention qui prouve que dès le début du XVIIIe siècle, il y avait affectivement, non loin de la porte d'Havré, un hôtel de la Biche . Voici cette mention : « ... [les assiégeants] jetèrent encore quelques bombes dans la ville, et l'une tomba sur Saint-Nicolas et l'autre à l'enseigne de la Biche, où elle mit le feu dans le foin qu'il y avait. »
En dehors de nombreuses belles demeures du XVIIIe siècle, on découvre dans cette rue, au n°17, dans la cour de la section artistique de l'école Saint-Luc, les restes d'un cloître néo-gothique de toute beauté, datant du milieu du XIXe siècle. Celui-ci est, en fait, un remploi provenant du couvent des rédemptoristes, installé là par le chanoine Puissant et n'a donc rien à voir avec les anciens bâtiments qui, jadis, servaient à loger les soeurs hospitalières qui soignaient les malades de l'hôpital Saint-Nicolas tout proche.
La plus ancienne mention de cet hôpital, fondé par le chapitre de Saint-Germain, apparaît dans une bulle du pape Lucius III, datée du 18 février 1181. Il avait été créé pour accueillir les voyageurs qui faisaient étape à Mons, raison pour laquelle il porte ce nom car Saint-Nicolas est le saint patron des voyageurs et des commerçants. Il se trouvait à front de la rue d'Havré, à gauche de l'église qui, en fait, en est l'émanation. En effet, c'est la chapelle de l'hôpital qui fut érigée en église paroissiale en 1224, en réponse à l'important développement que connut le noyau urbain dès le premier quart du XIIIe siècle. Les deux furent séparés et avec le temps, l'hôpital passa progressivement sous le contrôle du magistrat urbain.
En 1518, celui-ci confie sa gestion à des soeurs hospitalières de la maison de la Madeleine à Ath auxquelles se joignent des filles de Mons. Les soeurs étaient au nombre de dix sous le férule d'une maîtresse. Elles étaient reçues avec le consentement des échevins. Bien que dévotes, elles ne prononçaient pas de voeux de religion. Durant l'épidémie de peste de1615 elles apportèrent leur aide aux pestiférés. Elles en accueillirent, même, dans le dortoir, lors de celle de1635.
Ce sont les échevins qui nommaient pour trois ans la mère supérieure, en consultant les maîtres intendants, administrateurs diu lieu, le chapelain et le receveur de l'hôpital. Ils recueillaient également l'avis de chaque soeur individuellement. En 1652, elles étaient au nombre de douze.
Un nouveau bâtiment destiné au dortoir des malades avait été construit de 1550 à 1554, il comprenait 36 lits. En 1600, a commencé la construction de celui destiné à abriter les chambres et le dortoir des soeurs. il était soutenu par deux beaux préaux en vis-à-vis formés de huit piliers et arcs en plein cintre en pierre bleue. Une chapelle y fut jointe. L'ensemble est achevé en 1603. L'hôpital comportait dans ses jardins, qui s'étendaient jusqu'aux abords de la rue du Gouvernement, un cimetière qui fut supprimé comme les autres en 1784. suite à un édit de l'empereur Joseph II.
En 1781, il y avait quatre médecins pensionnaires chargés mensuellement, à tour de rôle, de soigner les malades de l'hôpital. A cette époque il accueillait aussi bien des vieillards que des malades et des blessés. Mais la misère était grande, voici un extrait de la lettre adressée à l'empereur Joseph II au sujets de travaux à réaliser d'urgence : « Le froid est si grand, lorsque le vent du nord domine en hiver, que la tisane se gèle dans le pot des malades et qu'il est quelques fois arrivé que de vieilles gens aient été trouvés morts de froid dans leur lit, quoiqu'ils n'eussent eu d'autre raisons de se réfugier à l'hôpital que la misère de leur état et la caducité de l'âge. »
Résultat, en 1782, la réfection de la toiture et son isolation par du plafonnage fut la première mesure d'urgence prise par les trois maîtres intendants de l'hôpital en accord avec les autorités de la ville.
Plus tard, en 1797, l'hôpital passa sous la direction de la Commission des Hospices civils qui maintint la présence des soeurs. Les bâtiments sont cependant abandonnés au moment de la création en 1805, par la Commission, de l'hôpital civil dans les locaux de l'ancienne abbaye du Val-des-Ecoliers. Les bâtiments, convertis en magasin-dépôt en 1817, furent transformés en caserne d'infanterie en 1824, mais, le 10 décembre 1825, l'ancien hôpital Saint-Nicolas fut victime d'un incendie 1. Un large bâtiment privé vint le remplacer à front de rue (occupé actuellement par la Maison Internationale et des logements créés par le Fonds du Logement), mais, le cloître des soeurs, situé à l'arrière, avait été préservé. Victor L'Heureux nous en a laissé, en 1884, un dessin qui en témoigne. Vers la fin du siècle, le site fut occupé par le piqueur Tack qui y avait installé des écuries pour les chevaux tirant ses voitures de location. Plus tard, il fut racheté par les frères de l'École St-Luc qui y ouvrirent, en 1908, leur première classe, mais, finalement, le démolirent en 1913 pour le remplacer par le bâtiment actuel de cet Institut. Les cours qui y sont toujours donnés concernent les métiers de la publicité, graphismes, images de synthèse, infographie, photographie.
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1Pierre-Jean Niebes. Le cloître de l'hôpital Saint-Nicolas in Images de Mons en Hainaut.du XVIe au XIXe sièle. 2006.
Photos :
Ancien cloître de l'hôpital Saint-Nicolas. Photo anonyme début Xxe siècle.
Cour intérieure du cloître. Dessin de Victor Lheureux. 1884. BUMons.
Bâtiment de l'école Saint-Luc construit en 1913.
Classe d'architecture, 1ere année. Carte postale vers 1920. FAPMC.
Atelier du bois.Carte postale vers 1920. FAPMC.
Cour de décoration. Carte postale vers 1920. FAPMC.
Galerie de l'ancien cloître du couvent des Rédemptoristes.