CHEMIN DU CANON
Quel rapport peut avoir ce paisible chemin avec l’artillerie ? Tout simplement parce que ce chemin menait sur les bruyères de Mons, hors la porte d’Havré, où s’exerçaient les canonniers du serment de Saint-Laurent. Les lettres d’institution de cette confrérie militaire remontaient au 24 juillet 1417. Au XVe et XVIe siècle, la maison des canonniers de Saint-Laurent était près de la porte de Nimy. Elle célébrait sa fête le 10 août. La veille, elle décernait le titre de roi de l'année à celui des confrères qui s'était montré le plus adroit au tir au canon, et il recevait un chapeau de fleur (à partir de 1476, il eut un collier d'argent doré). Les canonniers portaient un uniforme écarlate avec parements verts. Ils étaient au nombre de 24 en 1417 et avaient à leur tête un connétable (ils furent plus nombreux par après). Cette confrérie fut définitivement supprimée en 1795. La rue des Canonniers, tracée lors de la démolition des fortifications en 1863-1865, rappelle l’existence de ce serment.
Puisque l'on parle de canon à Mons, l'on ne peut faire autrement que d'évoquer ce fameux canon appelé « Mons Meg », baptisé de la sorte en l'honneur de notre ville et qui est actuellement situé dans le château d'Edimbourg, en Écosse. C'est un canon de grande taille, pesant huit tonnes (Il fallait cent hommes pour le transporter), construit et testé à Mons entre 1449 et 1454, par Jehan Cambier, "fournisseur d'artillerie" montois attitré, pour le compte du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, dans le but de l'offrir en cadeau au roi Jacques II d'Écosse.
Le « Mons Meg » a été fabriqué selon la méthode qui consistait à forger ensemble des barres de fer droites autour d'un mandrin, et de les consolider ensuite avec des cercles de fer, dilatés par chauffe et brusquement refroidis à l'eau pour provoquer un rétrécissement, à la manière des barriques. Il a une chambre séparée, mais n'était pas prévu pour un chargement par l'arrière. Il a un diamètre de canon de 20 pouces (510 mm), ce qui en fait l'un des plus gros canons au monde en calibre. Il avait une portée de deux miles, l'équivalent de 3,2 kilomètres (une portée longue pour les canons du XVe siècle).
Cette bombarde a été employée dans les sièges jusqu'au milieu du 16ème siècle
Après la mort du roi Jacques II en 1460, l'arme fut négligée pendant près de 150 ans, puis nettoyée et remise en service au château d'Edinbourg pour les semonces et les cérémonies, mais au cours de la cérémonie d'accueil d'un autre roi Jacques, en 1680, il fut chargé trop fort et l'explosion de la charge provoqua une déchirure dans les flancs du tube près de la chambre. Il ne fut jamais réparé mais resta au château.
Trois canons célèbres ont été fondus par Jehan Cambier : le « Mons Meg qui se trouve donc à Édimbourg, un autre qui s'appelle « Dulle Griet », plus gros encore, que l'on peut encore admirer à Gand au Vrijdag Markt et un dernier parti en France mais disparu il y a longtemps.
Selon certaines rumeurs non confirmées, la ville de Sluis aurait conservé dans ses archives une copie du manifeste du navire ayant transporté Mons Meg et du décompte établi par Cambier. Par ailleurs, un document comptable conservé dans les archives de la ville de Lille prouve le titre officiel de "fournisseur d'artillerie" de Jehan Cambier.
Photos :
Le canon appelé Mons Meg au château d'Édimbourg. Photo Wikipedia.
Le canon appelé Dulle Griet au Vrijdag markt de Gand. Photo Wikipedia.



RUE DE MALPLAQUET
Créée lors de l'urbanisation des rues transversales aux nouveaux boulevards qui ont succédé aux anciennes fortifications, cette rue fut ainsi nommée en souvenir de la bataille qui s'est déroulée le 11 septembre 1709, pendant la guerre de succession d'Espagne, et qui permit la libération de Mons occupée par les franco-espagnols. Voici le contexte :
Le 1er novembre 1700, le roi d'Espagne Charles II de Habsbourg meurt sans descendance. Les deux principales familles régnantes d'Europe, celle de France (les Bourbon) et celle d'Autriche (les Habsbourg), toutes deux très apparentées à Charles II, revendiquent alors le trône mais le dernier testament du roi défunt daté du 2 octobre 1700 fait du duc d'Anjou l'héritier unique des Espagnes sous le titre de Philippe V, à la condition expresse que l'héritage ne soit pas divisé.
Mais la décision de Louis XIV de reconnaître les droits de Philippe V à succéder à la couronne de France, puis, l'occupation des possessions espagnoles par les troupes françaises apparaît comme une provocation aux yeux des autres puissances, ce qui ravive la guerre. Mons, qui vient d'être assiégée et prise en 1691, puis rendue aux Pays-Bas espagnols, en 1697, par le traité d'Utrecht, est à nouveau occupée par les Français le16 février 1701. Le 15 mai 1702, l'Angleterre, les Provinces-Unies et l'Autriche déclarent officiellement la guerre à la France et au nouveau roi des Espagnes, Philippe V.
Jusqu'en 1704, la France conserve l'initiative stratégique. Les alliés, dans un premier temps, tentent d'empêcher l'invasion des Provinces-Unies par les troupes françaises. En 1706, la France subit deux lourdes défaites : le 23 mai à Ramillies et le général John Churchill, duc de Marlborough (celui de la chanson) se rend maître des Pays-Bas espagnols. L'année suivante, aucune action majeure n'est entreprise sur le front nord, mais, en 1708, la victoire des coalisés à Audenarde leur ouvre la route de la France : Lille est prise le 28 octobre et l'armée commandée par Bouflers capitule après un long siège de la Citadelle.
En décembre de la même année, Louis XIV demande la paix, mais la coalition exige l'abandon de Philippe V et la collaboration du roi de France aux opérations qui doivent chasser d'Espagne son petit-fils. Louis XIV, offusqué, repousse ces conditions humiliantes et lance un appel à ses sujets, leur expose la situation le 12 juin 1709 et rappelle le duc de Villars à l’État-major. Abattue après les défaites de Ramillies et d'Audenarde, l’armée des Flandres retrouve alors l’espoir et le moral grâce à cet énergique commandant. Les coalisés, quant à eux, cherchant à exploiter l’avantage obtenu par ces deux victoires et la prise de Lille, décident, une fois la chute de Tournai obtenue fin juillet 1709, d'assiéger Mons, à vrai dire, timidement défendue. Cependant, c'est à ce moment que le rapport de forces bascule. Les forces des coalisés, 86.000 hommes et 100 canons, surtout formés d'éléments autrichiens et néerlandais, commandées conjointement par le duc de Marborough et le prince Eugène de Savoie, s'opposent à l'armée franco-bavaroise des maréchaux Villars et Boufflers, forte de 75.000 hommes et de 80 canons. Les deux armées se mettent en position face à face, à portée de canon, le 11 septembre 1709 à 9 heures du matin.
Au cours de la bataille, les alliés perdent 20.000 à 25.000 hommes, les Français, environ 6.000. Repoussée et pour éviter davantage de pertes, l'armée française se replie en bon ordre et avec toute son artillerie, sur Bavay et Valenciennes où elle bloque toujours la route aux alliés. Bien que ces derniers restent maîtres du terrain au soir de la bataille, ils ont subi de telles pertes qu'ils ne peuvent poursuivre l'invasion de la France. C'est donc une victoire stratégique française, mais les alliés prennent toutefois Mons qui n'a pu être secourue par les Français, après un long siège de près d'un mois. La ville capitula le 20 octobre 1709
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Cette bataille, la plus sanglante de la guerre de succession d'Espagne, frappa les esprits dans toute l'Europe ; l'étendue des pertes fournira d'ailleurs matière à la rumeur de la mort de Marlborough. Elle renforça surtout le camp de la paix, déjà stimulé par la durée et les frais de la guerre. En 1710, le gouvernement britannique passe aux Tories qui cherchent une paix avantageuse aux intérêts anglais. Ce bilan donne à l'armée française un répit, permettant à la France de se maintenir dans le conflit jusqu'à la victoire de Denain, de négocier le traité d'Utrecht et de terminer la guerre dans une position avantageuse.
Le rachat des cloches de la ville qui avaient été menacées d'être emportées pendant l'occupation pour en faire des canons, coûta néanmoins 2.000 écus de 100 pistoles à la ville et aux Montois.
Un bâtiment tout-à-fait remarquable se trouve dans cette petite rue : Les Bains-Douches. Bien que l’eau potable soit disponible depuis la construction de la machine à eau (1870-1871), l’ensemble de la population montoise ne disposait pas à cette époque des moyens de s’offrir à domicile les commodités modernes. Une nouvelle étape est franchie lorsque débutent, en mars 1908, les travaux de construction de bains-douches à usage du public. L’établissement ouvre ses portes le 1er mai 1909 et peut se prévaloir d’une fréquentation qui ne fait qu’augmenter d’année en année. C'est dire son utilité. L’établissement fermera ses portes à la fin des années 1950, l’hygiène étant alors adoptée par tous (1).
Les anciens bains-douches embrassent à présent une vocation culturelle en hébergeant des associations locales, mais lintérêt de ce petit bâtiment réside surtout dans son style «Art Nouveau», bien typé et soigné dans les détails à observer essentiellement sur la façade (l'intérieur a par contre perdu beaucoup de son cachet). Ce bâtiment est un bel exemple d’Art nouveau : ferronneries au mouvement en coup de fouet, polychromie de la façade en briques rouge et crème mais surtout sgraffites à motifs floraux ou évoquant l’eau (vagues, visage du dieu antique de la mer Poséidon, etc.). Ceux-ci décorent les linteaux de la porte et des fenêtres où le programme du bâtiment est clairement mentionné sous les termes « Hygiène, Santé, Propreté ».
Maintenant qu'il est classé, on se réjouira de voir sauvé de l'oubli des lieux symboliques de l'histoire sociale de Mons. Sans compter que, selon toute vraisemblance, cet établissement est le seul du genre dans toute la province du Hainaut.
1 Route you








Photos :
La bataille de Malplaquet vue du côté Anglo-Hollandais.
La bataille vue du côté français.
Reconstitution de la bataille.
Monument commémoratif àTaisnière-sur-Hon.
Les Bains-Douches. Porte d'entrée. Photo de l'auteur. 2021.
Les Bains-Douches. Fenêtre grillagée. Photo de l'auteur. 2021.
Les Bains-Douches. Détail d'un linteau. Photo de l'auteur. 2021.
RUE DE LA VOUSSURE
Il s’agit ici d'un mot de l’ancien français désignant une voûte. En effet, cette rue, créée en 1381 pour relier le sommet de la ville à la porta Sancta-Germani (située au bas de l'actuelle rue Samson), doit son nom au fait qu’en 1442, le chapitre de St-Germain obtint de la Ville l’autorisation de faire une emprise sur la voie publique pour agrandir son église, ce qui eut pour conséquence que le chevet (qu’on désignait alors sous le vocable de carole) de l’église St-Germain se retrouva en surplomb par-dessus cette rue. En 1693, cette voie s'appelait « Dessous le voûte de Saint-Germain ». Mais, non seulement cela, en 1729, l’architecte Claude-Joseph de Bettignies construisit à la demande du chapitre, carrément de l’autre côté de la rue, une chapelle paroissiale reliée au chœur de l’église par une voussure ou voûte enjambant la rue, et la rue prit ce nom.
L’église Saint-Germain fut vendue comme bien national en 1799 et démolie, mais le nom de la rue est resté. Depuis 1964, une nouvelle « voussure » l'enjambe, vers le haut cette fois, pour donner accès à un parking situé sur le toit de l'immeuble voisin.
Photos :
La rue de la Voussure disparaissant sous le choeur de l’église de St-Germain. Extrait du plan des fortifications de Mons et du fort d'Epinlieu. Sans date, entre 1691 et 1746. Bruxelles, Archives Générales du Royaume. Cartes & plans 2144.
Plan de la rotonde de St-Germain. Extrait du « Plan de l’église de la ci-devant paroisse de [Saint]-Germain et de la Tour de briques, avec l’emplacement des rues y adjacentes, … ». Détail du plan dressé par l’architecte Nicolas De Brissy, s.d. (1799). Dim 740 x 525mm. Mons Archives de l’Etat, cartes et plans.
Rue de la voussure peinte par Paul Tondreau (1886-1977). Musées communaux de Mons.


